Le procureur Abdelkrim Grini. Midi Libre – Midi Libre
Les magistrats ont dû se prononcer sur deux affaires particulièrement sensibles.
Mardi, le tribunal correctionnel d’Alès a jugé deux affaires d’agressions sexuelles. Deux dossiers qu’il n’est pas possible de comparer.
Pour autant, les professionnels du droit n’ont pas manqué d’être surpris par les délibérés prononcés. S’il n’est pas question de commenter les décisions rendues, certains avocats présents à l’audience n’ont pas manqué de souligner leur étonnement face à ce qu’ils considèrent comme un manque de cohérence.
Dans la première affaire, Geoffroy, 46 ans, responsable dans un magasin Aldi d’Alès, a été condamné pour s’être montré trop entreprenant avec de jeunes subordonnées de 19 et 20 ans.
À la barre, la plaignante explique que l’homme, pourtant marié, avec trois enfants, tente de l’embrasser. Outre les propositions, il lui touche les fesses, et passe sa main sous son tee-shirt pour lui dégrafer son soutien-gorge. Les faits dénoncés se produisent à plusieurs reprises, le plus souvent dans les réserves du magasin. La jeune fille se confie à une amie qui, en réponse lui avoue qu’elle-même subit des agressions identiques.
Les subordonnées agressées dans les réserves du magasin
La directrice du magasin et la responsable du secteur sont avisées de la situation. Seul homme au milieu de salariées, Geoffroy est décrit comme “tactile”. Les deux jeunes filles auraient eu moins de répondant pour le rembarrer contrairement aux quadragénaires. L’homme est finalement licencié pour faute grave. Depuis, il a retrouvé un autre poste dans une autre enseigne.
“Je me suis demandé si j’avais fait un geste, un geste qui aurait pu lui faire croire que j’attendais quelque chose, mais pas du tout. J’éprouvais un sentiment de honte, je me sentais sale. J’avais 20 ans, j’étais en CDI, j’avais des responsabilités. J’étais fière de moi et d’un coup, tout s’écroule. J’ai démissionné”, témoigne la victime.
200% Deposit Bonus up to €3,000 180% First Deposit Bonus up to $20,000Le prévenu écoute tête basse. Son conseil, Me Joris Numa plaide l’évolution positive de son client qui reconnaît les faits : “Il a pris conscience de ses agissements et a entamé des soins psychologiques. Il n’a pas de casier judiciaire.” Sans remettre en cause le statut de victime des jeunes filles, l’avocat valide les poursuites en plaider coupable (CRPC) qui avaient été ordonnées avant que le tribunal correctionnel ne soit saisi : “Les agressions sexuelles vont de la procédure en CRPC au viol correctionnalisé. Dans cette affaire, on est plutôt dans le bas du spectre des violences.”
Une opinion que ne partage pas le procureur Abdelkrim Grini qui réclame une peine de 10 à 12mois de prison avec sursis probatoire, obligation de soins, indemnisation des victimes et inscription du condamné au Fichier des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (Fijais).
Le tribunal va au-delà des réquisitions et prononce une peine de deux ans de prison dont un avec sursis probatoire, et valide les peines complémentaires. L’année de prison ferme pourrait être aménageable.
Coup de théatre, le prévenu avoue le viol à la barre
L’autre affaire illustre les difficultés de la justice derrière lesquelles le procureur ne se cache pas. Une habitante du secteur d’Anduze, de 82 ans au moment des faits, est agressée chez elle, par un homme qu’elle avait hébergé dans le cadre de l’entraide associative, il y a plus de trois ans. Bruno est alcoolisé. Il a ressenti une pulsion, a enfourché son scooter à Alès pour se diriger vers Anduze. Il serre la victime très fort au niveau des bras. Il la touche sur tout le corps et, coup de théâtre, avoue une pénétration digitale toujours niée lors de l’instruction. Les constatations médico-légales décrivent des hématomes de 10 cm sur les bras et sur la vulve.
“Ce dossier est l’exemple type de la faiblesse de la justice, avec au départ, une procédure de CRPC, puis un renvoi vers le tribunal correctionnel. Après des difficultés soulevées, une information judiciaire a été ouverte. La pénétration est avérée, elle a été reconnue. Des violences ont été exercées contre la victime.”
Et s’adressant directement à cette dernière : “Comme vous, la procédure a été maltraitée. Au nom du parquet, je vous présente mes excuses. Ce dossier aurait dû être jugé devant la cour criminelle, puisqu’on connaît les difficultés d’audiencement de la cour d’assises. On a été très mauvais dans la gestion de cette affaire. La dignité du magistrat c’est de reconnaître cette responsabilité. On n’est pas là pour une main aux fesses, amis pour des faits de violence d’une gravité extrême qui ont été prémédités.”
Et de réclamer 4 ans de prison dont une année avec sursis probatoire.
Après les aveux spontanés de son client qui le laisse décontenancé, Me Karim Derbal se ressaisit et passe à l’offensive : “C’est le magistrat instructeur qui a décidé du renvoi du prévenu devant le tribunal correctionnel. La partie civile n’a pas voulu criminaliser le dossier (la victime a aujourd’hui 85 ans, NDLR). Il a toujours nié l’introduction d’un doigt. Il se contredit. L’alcool l’a perdu. Il n’a pas de casier. Il ne faut pas le condamner pour des faits qui n’ont pas été retenus.”
Surprenant bon nombre de professionnels du droit, le tribunal, totalement souverain dans sa décision, prononce une peine de 5 ans de prison avec sursis probatoire renforcé pendant 3 ans.
Toujours dans les délais pour interjeter appel, le procureur Grini s’interrogeait ce jeudi sur cette opportunité.
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