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Les grands enjeux de l’agriculture française au cœur des débats à la rédaction de Midi Libre

David Sève, Rémi Dumas, Morgane Bara, Christophe Sabatier, et Frédéric Mazer (de gauche à droite) ont débattu ce mardi à Midi Libre. Midi Libre – MICHAEL ESDOURRUBAILH

À l’occasion des élections aux chambres d’agriculture qui se déroulent en ce moment, Midi Libre a rassemblé des représentants des listes en présence pour un débat riche et pluraliste sur les grands enjeux de cette campagne électorale.

Les élections aux chambres d’agriculture se déroulent en ce moment : exploitants et retraités peuvent voter par correspondance ou par voie électronique jusqu’au 31 janvier minuit. Élus pour six ans, les membres des 88 chambres françaises sont les voix des agriculteurs auprès des pouvoirs publics. Les chambres d’agriculture jouent également un rôle de conseil et de service auprès de la profession. Midi Libre a rassemblé des représentants des listes en présence pour un débat riche et pluraliste sur les grands enjeux de cette campagne électorale.

Ont ainsi participé : Frédéric Mazer, éleveur ovin à Corbès (Gard), qui copréside le Mouvement national de défense des exploitants familiaux ; Christophe Sabatier, viticulteur et éleveur de porcs à Assas (Hérault), il est porte-parole de la Coordination Rurale dans l’Hérault ; Morgane Bara, éleveuse de chèvres à Saint-Etienne-de-Gourgas (Hérault), elle est porte-parole de la Conf’34 ; Davis Sève, arboriculteur dans la plaine de Beaucaire (Gard), il préside la FDSEA du Gard. Rémi Dumas, vigneron et éleveur ovin à Saint-Geniès-des-Mourgues (Hérault), il préside les Jeunes agriculteurs de l’Hérault.

Les grands enjeux de l’agriculture française au cœur des débats à la rédaction de Midi Libre

Un panorama de l’agriculture en région. A.L.

“Fixer des prix pour ne plus vendre à perte”

Comment permettre aux agriculteurs de vivre de leur métier ? Cela a presque été le fil rouge de ce débat entre les différents représentants des syndicats agricoles tant le sujet est majeur. “S’ils n’avaient pas de salaire, pensez-vous qu’il y aurait beaucoup de journalistes à Midi Libre ?“, a demandé le président de la FDSEA30, David Sève. La réponse était évidemment dans la question.

Tous s’accordaient donc sur le fait que ce devait être la priorité. Avec toutefois des divergences sur les solutions. “Nous souhaitons un prix minimum garanti qui comprend le coût de production, la rémunération du paysan à hauteur d’un smic minimum et les cotisations sociales pour permettre à chacun d’être protégé“, a d’abord défendu Morgane Bara, pour la Confédération paysanne, ajoutant que cela ne devait pas empêcher ensuite “de meilleures valorisations”.

Un avis partagé par David Sève. “Nous avons aujourd’hui une poignée d’industriels, grands distributeurs et négociants qui achètent à une multitude d’agriculteurs, 80 % de la production. Il y a un effet sablier qui leur permet de faire monter les prix, sans que le producteur ne soit rémunéré au juste prix. Il est pourtant interdit, dans tant d’autres domaines, de vendre à perte. On fonde donc de gros espoirs sur une nouvelle loi Egalim qui prendrait en compte des indicateurs de coûts de production lesquels nous permettraient de ne pas vendre à perte”, a résumé le représentant de la FDSEA.

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David Sève, actuel président de la FDSEA du Gard. Midi Libre – MICHAEL ESDOURRUBAILH

“Diminuer des coûts pour gagner du revenu”

Pour la Coordination rurale, cela passe pourtant par une autre mesure : “baisser les charges”, avance Christophe Sabatier. Selon lui, imposer des prix plancher trop élevés pourrait pousser le consommateur à se détourner des produits français. “Alors que nous avons beaucoup de charges, sociales évidemment, mais aussi toutes les contraintes comme les contrôles, le montage de dossiers… Diminuer ces coûts permettrait, mécaniquement, de gagner du revenu”.

La proposition animait le débat, Frédéric Mazer, pour le Modef, se disant “éberlué”. “C’est à l’État d’imposer les prix“, opposait-il, avant d’expliquer : “Si on laisse les acteurs négocier, ce sont toujours les plus gros qui gagneront. L’État doit donc dire stop et fixer les seuils minimums”. Pour lui, les aides et autres primes apportées au fil des crises, “ce n’est qu’un emplâtre sur une jambe de bois, il faut changer les choses structurellement. On le voit avec le mouvement de l’an passé qui n’a rien changé”.

Tout s’imbrique…

Ces aides, comme chaque fois, ont permis à nombre d’entre nous de passer le cap”, a rétorqué Rémi Dumas, pour les Jeunes Agriculteurs, avant de défendre le bilan de ses pairs, JA et FNSEA, qui ont œuvré à la première loi Egalim, “certes imparfaite, mais qui a donné une impulsion”. L’Héraultais, favorable aussi aux indicateurs de coûts de production, ajoutait se méfier d’un prix plancher “qui deviendrait le prix plafond. Il faut de toute façon qu’on philosophe plus large, avec un travail sur les charges ou encore des clauses miroir pour éviter la concurrence déloyale de producteurs étrangers qui n’ont pas les mêmes contraintes que nous”.

Tout s’imbrique, donc, autour de cette question des revenus. Y compris pour… la transmission des exploitations. “Si le métier n’est pas attractif, il est difficile de trouver des repreneurs”, ponctuait David Sève. Logique aussi.

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Frédéric Mazer, coprésident du Mouvement national de défense des exploitants familiaux. Midi Libre – MICHAEL ESDOURRUBAILH

“Il faut sortir l’agriculture du libre-échange”

Mercosur et Pac, les deux acronymes qui agitent le monde de l’agriculture française dès lors qu’il s’agit de problématiques dépassant les frontières de l’Hexagone.

En ce qui concerne le marché commun du sud, les cinq personnalités invitées à débattre ce mardi au siège de Midi Libre se sont peu ou prou retrouvées sur des positions similaires. Avec des nuances.

“C’est la prime au moins-disant fiscal et social, sans clause miroir” déplorait Frédéric Mazer. “Et l’agriculture n’est qu’une variable d’ajustement” complétait Christophe Sabatier. “On ne veut pas des accords de libre-échange, tout simplement même avec une clause miroir” tranchait Morgane Bara : “C’est aberrant de faire transiter de l’engrais de l’autre bout du monde. Il faut changer de système”.

“On ne va pas échanger du cognac contre des batteries”

“On ne va pas importer des produits moins-disants pour pouvoir exporter de la qualité” relevait pour sa part Rémi Dumas : “Et on ne va pas échanger du cognac contre des batteries ! Il faut sortir l’agriculture du libre-échange” assura-t-il s’attirant quelques commentaires goguenards de ses homologues, l’invitant à rejoindre leur syndicat respectif : “Mais qu’est-ce que tu fais encore à la FNSEA ? Rousseau (Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, dont les Jeunes agriculteurs sont proches NDLR), il ne dit pas ça, hein ? Rejoins-nous !” rigolait ainsi Frédéric Mazer.

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Alors que David Sève modulait : “Attention cependant, les céréales, les vins, les spiritueux, on est quand même exportateurs. Après, c‘est sûr que si les Brésiliens importent, c’est la fin des haricots ! Le retour de Donald Trump ? On s’achemine sûrement vers une guerre commerciale”.

“Une gigantesque tromperie”

La Politique agricole commune reste un sujet majeur pour nos interlocuteurs. “Une gigantesque tromperie” pour Frédéric Mazer : “On nous parle de libéralisme, on nous explique que le marché décide, qu’il faut être compétitif. Et en fait… pas du tout ! On est dans une politique dirigiste, si on retire l’argent public de la Pac, tout s’effondre. Nous, on propose le plafonnement du premier pilier à 50 000 €. Et de diminuer le prix du foncier pour permettre un plus grand nombre d’installations.”

“C’est vrai que pour l’installation de nos enfants, il n’y a aucune visibilité. Déjà que le métier d’agriculteur n’est pas un métier comme les autres” enchaînait David Sève. Propos sur lequel rebondissait Christophe Sabatier : “La plupart des parents, aujourd’hui, ne veulent pas que leurs enfants s‘installent…”

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Morgane Bara, porte-parole de la Confédération paysanne dans l’Hérault. Midi Libre – MICHAEL ESDOURRUBAILH

“Sans la Pac, je ne vivrais pas”

Morgane Bana reconnaissait : “Moi, éleveuse sur le Causse, sans la Pac, je ne vivrais pas. Mais elle est mal utilisée. Et il faudrait que tout le monde y ait droit, Parce qu’il y a quand même pas mal de laissés-pour-compte de la Pac.”

Selon Rémi Dumas, “s’il n’y avait pas la Pac, les prix exploseraient. Il faut trouver un juste équilibre. La Pac sert aux installations, mais il y a trop de secteurs annexes à l’agriculture qui “mangent” sur la Pac.”

“Il y a une mauvaise répartition” abondait David Sève. “Là où l’Europe pêche, c’est qu’il n’y a aucune harmonisation sociale” regrettait Frédéric Mazer.

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Christophe Sabatier, porte-parole de la Coordination rurale de l’Hérault. Midi Libre – MICHAEL ESDOURRUBAILH

Réchauffement climatique : “Sans eau, pas d’agriculture”

“Le réchauffement, on est les premiers à se le prendre dans la figure. On en est conscient”. Frédéric Mazer, du Modef, n’y est pas allé par quatre chemins pour ouvrir la séquence sur le réchauffement climatique. Lui lie toutefois encore le sujet aux revenus. “Il faut avoir l’aisance financière pour réfléchir à la façon de s’adapter, donc aller vers un modèle qui défend le prix juste”.

Pour Christophe Sabatier, de la Coordination rurale, cela appelle plutôt à une réflexion sur l’accès à l’eau. “Sans eau, pas d’agriculture. Alors, quand il y a un épisode cévenol, il faut être en capacité de la stocker. Des retenues éviteraient d’abord des inondations en aval, créeraient des pôles humides pour la biodiversité et nous permettraient d’irriguer en été”. David Sève, dont l’exploitation de fruits se trouve dans le Gard, partage cet avis. “Il n’est évidemment pas question de s’approprier l’eau en été. Mais cet hiver, le Rhône a connu plusieurs vagues à 8 000 m3 par seconde. On peut en capter une partie et, par des canalisations, amener cette eau dans des bassins jusque dans les Pyrénées-Orientales“, a-t-il suggéré, appelant donc à développer le réseau BRL.

“On utilise l’eau à bon escient”

Rémi Dumas, pour les JA, allait plus loin en suggérant de tirer de nouveaux tuyaux le long de la future ligne de train à grande vitesse Montpellier-Perpignan. Il ajoutait : “Mais il faut prendre conscience qu’on utilise l’eau à bon escient. D’ailleurs, en dix ans, on a vu le vignoble évoluer, avec de l’herbe dans les vignes pour éviter l’érosion, du labour… Il y a aussi la recherche de cépages plus résistants aux maladies et à la sécheresse que l’État devrait accompagner plus encore”.

Morgane Bara, de la Confédération paysanne, prônait une autre vision. “La première place où l’eau doit se stocker, c’est le sol. Il faut aller vers des pratiques agronomes qui aident les sols à se régénérer et stocker l’eau. On sait que ce sera un sujet de tension et que tous les tuyaux que l’on pourra tirer ne garantiront pas forcément de l’eau toute l’année au robinet”.

David Sève réclamait en sus un changement de réglementation sur les calamités agricoles. “Les références du fonds d’aide, ce sont les années précédentes. Mais quand vous subissez plusieurs incidents climatiques, parfois deux dans la même année, les rendements, donc les références, ne cessent de baisser. Il faut revoir ce système, sinon, ici, on va droit dans le mur“, prévenait-il. Un autre enjeu majeur.

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Rémi Dumas, président des Jeunes agriculteurs de l’Hérault. Midi Libre – MICHAEL ESDOURRUBAILH

Bio et pesticides : “On a tous le bon sens paysan”

Des divergences se sont fait jour au moment d’évoquer l’agriculture biologique. “Beaucoup en sont revenus. Il y a eu une telle augmentation des surfaces donc une offre plus importante que la demande, que des collègues vendent en bio au prix du conventionnel, avec des charges qui restent plus élevées. Il va y avoir des ajustements”, a estimé David Sève pour la FDSEA. “La grande distribution et les industriels ont œuvré pour que le bio diminue, mais la société civile y reste fidèle, aussi pour des questions de santé. C’est un modèle d’avenir”, pense au contraire Frédéric Mazer, pour le Modef.

Deux points de vue différents qui lançaient le débat. “La confédération paysanne réclame un accompagnement vers la sortie des pesticides chimiques. On ne devrait pas faire du bio pour rentrer dans un marché de niche, mais parce que c’est ça l’agriculture”, est intervenue Morgane Bara. Tandis que Christophe Sabatier, de la Coordination rurale, déplorait “un manque d’harmonisation européenne” sur le sujet, Rémi Dumas, pour les JA, appelait à l’unité. “On a tous le bon sens paysan. Quand je n’ai pas besoin de traiter, je ne traite pas. Je suis persuadé que je suis plus vertueux qu’un agriculteur bio il y a quelques années”. David Sève en appelait alors à l’État pour accélérer la recherche. “Des efforts ont déjà été faits, mais on peut encore nettement diminuer les traitements avec des variétés plus résistantes à la maladie”. Un sujet pour le prochain mandat ?

Élections : “Des difficultés de mobilisation”

Si la campagne pour les élections aux chambres d’agriculture bat son plein révélant les différences d’approche des listes représentées dans nos locaux, un point rassemblait nos débatteurs : l’intérêt d‘y participer. “Nous avons des difficultés de mobilisation car les gens ne perçoivent pas toujours l’utilité des chambres. Et aussi parce qu’il y a du découragement dans les campagnes” avançait David Sève.

“Je fais beaucoup de porte à porte, de tractage sur les marchés pour inciter à aller voter. Mais on nous dit souvent que ça ne sert à rien, car le résultat est toujours le même, avec la FNSEA et les JA en tête presque partout” notait Morgane Bara.

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Les représentants des syndicats agricoles dans le Gard ou l’Hérault sont venus débattre à Midi Libre. Midi Libre – MICHAEL ESDOURRUBAILH

“Un impact sur les six ans à venir”

“Cette hégémonie est institutionnalisée. Le système et le mode de scrutin font que ces syndicats restent dominants” complétait Frédéric Mazer.

“Mais la mobilisation est toujours nécessaire, l’élection a un impact sur les six ans à venir” appuyait Rémi Dumas : “Après, pour avoir de l’influence, il faut y siéger dans les instances” ajoutait-il un brin provocateur. Avant que Christophe Sabatier ne relève : “Les agriculteurs sont surtout déçus par ce qui se passe depuis 50 ans. L’argument de la FNSEA et des JA c’est qu’on va dans le mur. Mais ça fait 50 ans qu’ils sont au volant, et on y va tout droit !”

Le débat était lancé !

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Teilor Stone

By Teilor Stone

Teilor Stone has been a reporter on the news desk since 2013. Before that she wrote about young adolescence and family dynamics for Styles and was the legal affairs correspondent for the Metro desk. Before joining Thesaxon , Teilor Stone worked as a staff writer at the Village Voice and a freelancer for Newsday, The Wall Street Journal, GQ and Mirabella. To get in touch, contact me through my teilor@nizhtimes.com 1-800-268-7116