La maintenance ferroviaire entre dans l’ère de l’IA.
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© ikku Sama / Pexels 𝕏
On prête à l’IA de nombreux défauts, à raison : consommation monstrueuse de ressources, opacité des grands modèles de langage, problèmes de confidentialité des données ou considérations éthiques concernant son autonomie. Toutefois, il ne faut pas nier qu’elle peut être d’une grande aide dans de nombreux domaines : conception ultrarapide de médicaments, prédiction de catastrophes naturelles, détection de fraudes dans le secteur de la finance ou optimisation des chaînes d’approvisionnement.
Un secteur dans lequel celle-ci pourrait s’avérer très utile ; même si à première vue cela semble relever de la niche ; est celui du secteur ferroviaire. Des chercheurs de l’Université d’État Stony Brook (New York) viennent de développer un système alliant intelligence artificielle et ondes ultrasonores guidées (ou Guidage Ultrasonore Longitudinal) pour ausculter les rails d’aiguillage. Des points névralgiques des réseaux où les trains opèrent des changements de voie. Pour en savoir plus, leurs travaux sont consultables dans l’édition du mois d’octobre de la revue NDTE & E International.
L’expansion fulgurante des réseaux à grande vitesse : un défi de taille
Selon les données récentes de l’Union Internationale des Chemins de fer, le réseau à grande vitesse planétaire atteint désormais 59 000 km. Ce dernier a connu une croissance exponentielle depuis quelques décennies, portée par une demande croissante pour des déplacements rapides.
Qui dit croissance dit nécessairement sollicitation accrue des infrastructures, particulièrement au niveau des rails d’aiguillage. Ces zones sont un peu particulières puisqu’elles subissent des contraintes mécaniques particulièrement intenses en raison de leur géométrie complexe et de leur rôle central dans le guidage des trains. Ces rails sont soumis à de fortes charges dynamiques (voir vidéo ci-dessous) et présentent une vulnérabilité plus importante aux phénomènes de fatigue et aux détériorations structurelles.
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Leur maintenance est donc d’une importance capitale pour la viabilité des réseaux ; d’où la nécessité aujourd’hui de développer des solutions d’inspection innovantes, capables de détecter précocement les anomalies susceptibles de compromettre la sécurité des circulations.
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Face aux limitations des méthodes traditionnelles d’inspection, les chercheurs de Stony Brook ont développé une méthodologie radicalement nouvelle. Pour le Pr. Zhaozheng Yin, chercheur associé en informatique biomédicale à l’Institut d’Innovation en IA de l’université américaine, l’inspection de ces rails doit se faire de manière non invasive. « L’utilisation d’ondes guidées s’est imposée comme une solution pertinente. Ces ondes se propagent sur des distances relativement importantes et présentent une sensibilité particulière aux défauts, permettant l’inspection de zones étendues dans des délais restreints ».
La maintenance ferroviaire par ondes guidées consiste à envoyer des ondes ultrasonores (vibrations mécaniques qui se propagent dans un milieu à une fréquence supérieure à ce que l’oreille humaine peut percevoir) dans les rails. Ces ondes se propagent ensuite dans les rails puis sont réfléchies par les défaillances présentes, permettant ainsi de les localiser et d’évaluer leur gravité grâce à l’analyse des signaux reçus.
Cette technologie répond parfaitement aux contraintes opérationnelles spécifiques du secteur ferroviaire, où les interventions de maintenance doivent s’effectuer dans des créneaux temporels limités, généralement nocturnes. Une technique qui garantit un ratio rapidité d’inspection/fiabilité des résultats optimal, tout en assurant une couverture exhaustive des zones critiques. Néanmoins, elle n’est pas nouvelle puisqu’elle remonte aux années 1960 ; ce qui est nouveau ici, c’est son alliance avec l’intelligence artificielle.
La complexité géométrique des rails d’aiguillage, combinée à leur mobilité intrinsèque, nécessitait le développement d’algorithmes capables d’analyser des signatures acoustiques complexes. C’est précisément ce qu’ont réussi à faire ces chercheurs : développer un réseau neuronal très apte à s’acquitter de cette tâche.
Le modèle décompose les signaux ultrasonores en caractéristiques distinctives, permettant d’identifier les variations acoustiques caractéristiques d’une défaillance structurelle. Il excelle particulièrement dans sa capacité à faire abstraction des parasites inhérents à l’environnement ferroviaire (bruits mécaniques, environnementaux ou électriques), isolant avec précision les signatures spécifiques aux anomalies recherchées.
Les performances du système sont exceptionnelles, avec un taux de détection des défauts supérieur à 91 %. Cette approche surpasse toutes les méthodologies existantes dans tous les aspects évalués lors de l’analyse des rails.
Si cette technologie était intégrée à l’échelle mondiale, le réseau à grande vitesse pourrait atteindre un niveau de sûreté et d’optimisation extrêmement élevé. Réduction drastique des risques de déraillements et d’accidents, planification plus précise de la maintenance et une augmentation de la disponibilité du réseau : trois facteurs essentiels pour un réseau ferroviaire fiable. Reste la question, toujours épineuse, de la viabilité économique de cette solution, qui nécessiterait forcément des investissements conséquents. Toutefois, les bénéfices sur le long terme pourraient compenser ces coûts initiaux ; tout dépendra de la capacité des acteurs du secteur ferroviaire à quantifier précisément ces derniers pour convaincre les décideurs politiques et financiers de mettre la main au portefeuille.
- Des chercheurs ont combiné ondes ultrasonores et intelligence artificielle pour détecter efficacement les défauts dans les rails ferroviaires.
- Cette méthode permet une inspection rapide et précise des infrastructures critiques, notamment les rails d’aiguillage soumis à de fortes contraintes.
- Cette technologie pourrait grandement améliorer la sécurité et la maintenance des réseaux ferroviaires si elle était adoptée à grande échelle.
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