Dans les strates géologiques de Majorque repose le fossile d’un prédateur vieux de 270 millions d’années, à mi-chemin entre les reptiles et les mammifères.
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© Image générée par l’IA DALL-E pour Presse-citron 𝕏
Les falaises calcaires de Majorque recèlent bien des secrets. Dans leurs replis, les paléontologues ont mis au jour les vestiges d’une créature unique : un prédateur long d’un mètre, dépourvu de fourrure et d’oreilles externes, dont l’anatomie défie nos classifications habituelles.
Cette créature, c’est un Gorgonopsien, dont les chercheurs viennent de découvrir le plus vieux spécimen fossilisé jamais retrouvé. Les résultats de leurs fouilles ont été publiés le 17 décembre dans Nature Communications.
Les synapsides : précurseurs des mammifères
Le Gorgonopsien appartient au groupe des synapsides, ces créatures qui ont pavé la voie vers l’émergence des mammifères. Ces animaux, apparus il y a plus de 270 millions d’années, présentaient déjà certains traits que nous associons aujourd’hui aux mammifères, tout en conservant des caractéristiques reptiliennes ancestrales proche des dinosaures.
Le spécimen de Majorque illustre parfaitement cette dualité : son squelette révèle une posture intermédiaire, ses membres n’étant ni totalement étalés comme ceux des reptiles, ni dressés sous le corps comme ceux des mammifères.
Il pondait des œufs, comme les reptiles, mais son métabolisme endotherme lui permettait de maintenir une température corporelle constante, contrairement à ces derniers. Cela signifie qu’il était déjà capable réguler sa température corporelle en produisant de la chaleur interne, indépendamment de la température extérieure. Un atout que ne possède pas les reptiles, contraint de s’exposer au Soleil, ou au contraire de chercher l’ombre pour se rafraîchir.
L’aube des prédateurs à dents de sabre
La découverte de ce fossile de Gorgonopsien fait dévier la trajectoire de l’histoire des prédateurs à dents de sabre. Jusqu’ici, ces crocs emblématiques étaient associés à des mammifères relativement récents, comme le célèbre Smilodon. Ce félin préhistorique, qui arpentait les plaines d’Amérique du Nord il y a 2,5 millions d’années, arborait des canines supérieures pouvant atteindre 28 centimètres de long. Or, le fossile de Majorque bouleverse complètement cette chronologie.
200% Deposit Bonus up to €3,000 180% First Deposit Bonus up to $20,000Josep Fortuny, chercheur à l’Institut Català de Paleontologia (ICP) de Barcelone, précise : « Cette découverte repousse l’origine des dents de sabre de plus de 267 millions d’années ». Les dents de sabre ne sont donc pas une innovation évolutive des félins préhistoriques, mais une stratégie de prédation qui a émergé très tôt dans l’histoire des vertébrés terrestres.
Ce qui rend cette découverte particulièrement fascinante, c’est que la nature a inventé les dents de sabre à plusieurs reprises, dans différentes lignées évolutives. Les paléontologues parlent d’évolution convergente : face à des défis similaires, différents groupes d’animaux développent indépendamment des solutions anatomiques comparables.
Dans le cas du Gorgonopsien de Majorque, ses canines allongées lui permettaient probablement de percer efficacement la peau épaisse de ses proies, une technique de chasse qui sera plus tard reprise par divers groupes de mammifères.
Cette adaptation précoce des dents de sabre chez le Gorgonopsien de Majorque nous montre que les évolutions morphologiques majeures peuvent apparaître bien plus tôt que nous le pensions, et sous des formes parfois inattendues. L’histoire de la vie sur Terre ne se résume pas à un chemin linéaire, mais ressemble davantage à une tapisserie complexe où les adaptations peuvent émerger, disparaître, et réapparaître au fil des millions d’années.
Un aperçu de la vie sur Terre il y a des millions d’années
La découverte de ce fossile ne nous renseigne pas uniquement sur l’animal lui-même, mais dévoile tout un pan de l’histoire géologique de notre planète. À l’époque où vivait ce Gorgonopsien (le Permien, de 270 à 250 millions d’années avant notre ère), Majorque n’était pas l’île méditerranéenne que nous connaissons.
Cette région faisait partie intégrante du supercontinent Pangée et se situait à une latitude équatoriale, comparable à celle du Congo actuel. Le climat alternait entre des périodes très humides et très sèches, créant un environnement dynamique où les plaines inondables et les mares temporaires attiraient une faune très diversifiée. Ces points d’eau devenaient des oasis de vie, attirant une diversité d’herbivores qui venaient s’y abreuver.
C’est dans ce contexte qu’Àngel Galobart de l’ICP replace le rôle écologique du Gorgonopsien : « Les dents de sabre caractérisent souvent les grands prédateurs des écosystèmes, et notre spécimen occupait vraisemblablement cette niche dans son environnement ».
Cette observation prend tout son sens dans le paysage décrit : les points d’eau constituaient des zones de chasse idéales pour un prédateur à l’affût. Le Gorgonopsien pouvait embusquer ses proies lorsqu’elles venaient boire, utilisant la végétation dense des berges comme couvert. Un véritable petit T-Rex.
- Les paléontologues ont découvert à Majorque un fossile unique d’un prédateur à dents de sabre datant de plus de 270 millions d’années : le Gorgonopsien.
- Ce spécimen, issu des premiers précurseurs des mammifères, combine des traits reptiliens et des adaptations avancées comme un métabolisme endotherme.
- Cette découverte repousse l’origine des dents de sabre, montrant qu’elles sont apparues bien avant les mammifères, grâce à un processus d’évolution convergente.
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