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"On se sent tellement bien quand on est au piano !" : Jonathan Fournel joue Rachmaninov à Montpellier

Jonathan Fournel, 30 ans, compte parmi les pianistes les plus en vue d’aujourd’hui. Alexei Kostromin

Grand prix de l’ultra prestigieux Concours Reine Elisabeth, en 2021, Jonathan Fournel compte parmi les pianistes les plus en vue d’aujourd’hui. Interprète passionné de Brahms, il lui fait une infidélité pour l’orchestre national de Montpellier, avec lequel il joue ce vendredi à l’opéra Berlioz le Concerto n°1 de Rachmaninov.

On vous voit à Montpellier entre Boris Giltburg et Alexandre Tharaud (ce qui n’est pas rien !) sur du Rachmaninov. Que représente ce compositeur pour vous ?

Rachmaninov fait partie des compositeurs que j’aime beaucoup mais que je n’ai pas forcément beaucoup travaillé. Bien sûr, dans le cadre de nos études, ou pour la préparation de concours, on a souvent besoin de faire une étude par-ci, ou d’apprendre une sonate par là ; ce qui est d’ailleurs peut-être mieux que de commencer par les concertos ! Quand j’avais 13 ans, 12-13 ans, les concertos de Rachmaninov, c’était un peu ce qu’on écoutait toute la journée, notamment le deuxième et le troisième. Chaque fois, je me disais j’ai envie de jouer ça, c’est tellement cool… Mais après, Mais après, quand je me mettais devant la partition, je me disais bon, on va d’abord travailler des trucs un peu plus simples ! (rires)

Vous avez déjà été amené à travailler le 2e et le 3e, mais c’est le 1er que vous allez jouer.

La proposition remonte à deux ans, je crois, de jouer le quatrième. Mais comme c’était pour une période très, très courte de temps de travail, je me suis dit, le quatrième, houla, ça risque d’être peut-être un peu difficile, alors pourquoi ne pas négocier pour le premier, qui n’est pas le plus connu. J’avais, j’avoue, aussi beaucoup plus envie de le travailler que le quatrième. J’ai négocié un petit peu, c’est passé, et je n’en suis pas mécontent !

Alors que pouvez-vous nous dire donc ce “Concerto pour piano en fa dièse mineur opus 1” ?

C’est la première œuvre que Rachmaninov a écrite, enfin en tout cas éditée, c’est marqué “Opus 1” mais il y a une version originelle de cette pièce, beaucoup plus longue, qui se rapproche, je trouve d’ailleurs, dans les textures de Tchaïkovski. On peut d’ailleurs apprécier l’originalité de ce premier jet dans une version assez intéressante sur YouTube. C’est étonnant de voir un jeune de 17-18 ans se lancer ainsi ça dans un concerto. Mais la version que nous jouons, enfin que la plupart des pianistes jouent, est celle qu’il a révisée un peu plus tard. Il a retiré certaines choses, allégé d’autres, conservé l’essentiel pour révéler, en quelque sorte, l’œuvre. On ne reconnaît pas Rachmaninov dans la version originelle, on pense plutôt à un vieux Tchaïkovski et on se demande un peu ce qu’il se passe. (rires) Mais après sa révision, tout s’éclaire : on peut apprécier un Rachmaninov plus mature qui a développé une œuvre qui le méritait. C’est une pièce assez courte pour du Rachmaninov, 25 minutes, alors que le concerto, c’est en général 35 à 40 minutes. Mais j’avoue que j’aime beaucoup. Et j’espère avoir l’occasion de la jouer davantage à l’avenir.

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Effectivement on a regardé votre programme de tournée, vous ne l’allez plus jouer ce concerto ensuite. C’est un investissement personnel important pour une seule interprétation ?

Je l’ai joué déjà une fois l’an dernier à Macau. Quand on travaille comme ça une pièce nouvelle pour nous, on se dit qu’il y aura d’autres occasions de la jouer. Là, après Montpellier, je n’en ai pas pour l’heure. Mais ce n’est pas grave, ça fait aussi du bien de monter des choses comme ça. Personnellement, j’apprécie de me lancer dans des répertoires que je n’ai pas l’habitude d’entendre toute la journée, même si Rachmaninov n’est pas précisément un inconnu ! (rires) Bref, cela fait du bien de remettre les pendules à l’heure, de se lancer dans cette œuvre, exemple parfait d’un jeune compositeur qui commence à se trouver. C’est en plus une œuvre d’exam’ : il faut le faire ! On entend quelques prémices de ce qui va suivre chez lui, c’est passionnant à percevoir.

Ça, c’est pour le musicologue, mais pour le musicien ?

Il y a des choses que j’adore à l’intérieur de cette pièce ! Dans le deuxième mouvement, j’en parlais d’ailleurs l’autre jour avec ma copine, il y a des endroits qui sont vraiment passionnants avec ce premier thème qui monte et qui donne vraiment envie de pleurer, un peu comme un poème. Même le début avec les cors qui commencent à jouer avant l’introduction du piano, c’est tellement fort, on se sent tellement bien quand on est au piano à cet instant !

Mais c’est une pièce exigeante !

Un tout petit peu plus facile que le deuxième et le troisième quand même ! (rires) Bien sûr que c’est exigeant mais comme toujours, essayer de faire quelque chose de bien, cela exige un certain effort… encore plus avec Rachmaninov, car il y a deux fois plus de notes ! (rires) Mais j’aime cette écriture très linéaire avec beaucoup de polyphonies. Essayer de l’analyser, de voir comment chaque voix se développe, comment on arrive à les mettre ensemble et qu’est-ce qui fait que ce mille-feuille aboutit à quelque chose de super goûtu, et par endroits, oui, un petit peu sucré, mais au final hyper romantique, quel plaisir !

On est obligé de vous parler de Brahms, dont vous êtes un interprète passionné…

Ah Brahms… Pour moi, c’est un peu comme le yoga que l’on fait tous les matins. C’est le compositeur qui m’apaise. Je l’écoute depuis toujours, il me passionne. Je trouve chez lui des choses brutales, des choses nostalgiques, des choses extrêmement romantiques, beaucoup d’amour mais aussi quelque chose de très religieux… Autant de styles, d’émotions qui chez lui peuvent s’entremêler. J’ai l’impression de trouver mon bonheur dans et par beaucoup d’œuvres de Brahms, avec une satisfaction qui dépasse toujours mon entendement. C’est un univers où je me sens bien, dans lequel j’ai envie de continuer à évoluer. Peut-être est-ce parce que j’ai envie de continuer à en profiter le plus longtemps possible, que je m’autorise à aller vers d’autres compositeurs ? Ce qui fait toujours le plus de bien, c’est quand on revient et que l’on se dit ah, là, je suis chez moi.

À votre propos, on se plaît souvent à souligner et applaudir votre “art du chant”. Qu’est-ce pour vous ?

Lorsque l’on récite un poème, ou un air d’opéra, il y a en fait une connexion entre ce que le texte dit et les césures nécessaires à la respiration mais aussi pour appuyer le sens d’un mot ou d’une phrase. Or, c’est ce que je trouve qui se perd de temps en temps un petit peu lorsqu’on est trop coincé dans notre instrument. On a trop tendance à se focaliser sur des problèmes qui n’ont rien à voir avec l’essentiel qui est d’exprimer quelque chose avec ce que l’on joue. Avec le piano, c’est comme si on avait à la fois un orchestre et un soliste, il s’agit de savoir comment tous ces gens-là peuvent échanger pour raconter une histoire, exprimer une émotion, et nous tenir jusqu’à la fin. Personnellement je cherche toujours à faire entendre les voix mais aussi le caractère des personnages de chaque ligne de la partition. On n’a pas de mot donc on peut tous les utiliser. C’est d’ailleurs ce qui est génial dans la musique, car on peut tout dire même les choses les plus horribles ou les plus intimes, sans blesser quiconque. C’est en tout cas ce que j’essaie de travailler dans ce que je fais : comment vais-je utiliser cette phrase pour exprimer quoi et avec quel type de caractère. Dès lors que l’on respecte le cadre de la partition, on peut dire ce que l’on veut avec les notes que l’on a sous les doigts. La musique est, oui, le meilleur des langages pour s’exprimer en toute liberté.

En concert ce vendredi 6 décembre, à 20 h, à l’opéra Berlioz, Corum, à Montpellier. L’ONMO donnera également le même soir la “Symphonie fantastique” de Berlioz sous la direction d’Eivind Gullberg Jensen.

Jonathan Fournel a publié fin août sur le label Alpha, un superbe album sur lequel il associe deux grands polonais : le Frédéric Chopin de la maturité (Sonate n°3 en si mineur, opus 58) et le jeune Karol Szymanowski (Variations pour piano op 3 et 10.). On recommande !

 

 

 

 

Teilor Stone

By Teilor Stone

Teilor Stone has been a reporter on the news desk since 2013. Before that she wrote about young adolescence and family dynamics for Styles and was the legal affairs correspondent for the Metro desk. Before joining Thesaxon , Teilor Stone worked as a staff writer at the Village Voice and a freelancer for Newsday, The Wall Street Journal, GQ and Mirabella. To get in touch, contact me through my teilor@nizhtimes.com 1-800-268-7116