Domestication ou apprivoisement ? Les restes d’un canidé d’Alaska âgé de 12 000 ans viennent brouiller cette frontière
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© Pixabay / Pexels 𝕏
Des ossements découverts en Alaska central viennent d’étaler au grand jour que la relation entre l’Homme et le canidé serait plus ancienne que nous le pensions. Une découverte dont les conclusions ont été publiées le 4 décembre dans la revue Science Advances, qui fait reculer de deux millénaires les premières tentatives d’apprivoisement des canidés en Amérique du Nord, portant donc cette date à 12 000 ans.
Le meilleur compagnon de l’Homme était ainsi présent à nos côtés dans cette zone géographique dès le Pléistocène supérieur et ses coriaces prédateurs, bien avant l’apparition de l’agriculture et de la sédentarisation. En revanche, en Eurasie, les preuves de domestications sont généralement encore plus anciennes, autour de 33 000 ans, durant le Paléolithique supérieur.
Une cohabitation ancestrale inscrite dans les os
Ce sont des analyses de biomarqueurs (molécules ou composés biologiques) effectuées sur les ossements de canidé découverts sur un ancien campement humain en Alaska qui ont livré ces résultats. La présence marquée d’isotopes caractéristiques du saumon dans ces vestiges osseux intrigue les chercheurs. Ces canidés consommaient donc du saumon, une particularité alimentaire qui ne correspond pas aux habitudes naturelles des canidés sauvages, qui ne chassent habituellement pas le poisson.
La présence de ces marqueurs biologiques spécifiques indique par conséquent une intervention humaine dans l’alimentation de l’animal. Hypothèse qui se retrouve, de plus, renforcée par la découverte sur le site d’outils liés à la pêche, établissant un lien tangible entre les activités humaines et la présence du canidé.
Entre loup et chien : les subtilités d’une transformation biologique
Les chercheurs se montrent particulièrement prudents dans la classification de cet animal, ou du moins, de ce qu’il en reste. Ben Potter, archéologue à l’Université de l’Alaska Fairbanks, pose une question, en apparence simple : « Qu’est-ce qu’un chien ? ». La réponse à cette dernière n’est pas facile à formuler. En effet, les critères qui définissent un chien s’articulent autour de trois axes principaux : son patrimoine génétique, sa morphologie et ses comportements.
Les analyses génétiques réalisées sur les ossements démontrent que ce canidé présentait des différences notables avec les chiens modernes. Sa morphologie osseuse diffère également des standards canins contemporains, suggérant une forme intermédiaire entre le loup sauvage et le chien domestique. Une position évolutive particulière, qui représente un chaînon manquant dans notre compréhension du processus de domestication. Ben Potter souligne l’absence de données suffisantes sur les origines des chiens et la nature même du processus de domestication, rappelant que nous naviguons encore dans des eaux largement inexplorées.
200% Deposit Bonus up to €3,000 180% First Deposit Bonus up to $20,000Le spécimen découvert incarne ainsi une étape intermédiaire dans le processus d’évolution vers le chien domestique. Bien que les preuves attestent d’une proximité avec les humains et d’une alimentation contrôlée, les chercheurs ne peuvent affirmer avec certitude qu’il s’agisse d’un chien au sens moderne du terme. L’existence de cette espèce « entre les deux » nous rappelle donc que le processus d’évolution procède par nuances plutôt que par sauts.
La domestication : un processus complexe et graduel
François Lanoë, anthropologue à l’Université d’Arizona, apporte un éclairage essentiel sur ce phénomène : « La transformation d’un animal sauvage en animal domestique est un processus, non un événement ». Ce que Lanoë veut dire, c’est que la mutation d’un animal sauvage vers une forme domestique s’inscrit dans une longue temporalité, où s’entremêlent des modifications biologiques et comportementales multiples.
Au niveau génétique, les transformations s’opèrent graduellement, à travers une série de mutations qui s’accumulent au fil des générations. Ces changements affectent non seulement l’apparence physique de l’animal, mais également ses capacités cognitives et son comportement social.
La morphologie évolue parallèlement, avec des modifications de la structure osseuse, de la dentition, et même de la taille du cerveau. Les comportements, quant à eux, se modifient en réponse à la pression sélective exercée par la présence humaine, favorisant les individus plus dociles et plus réceptifs à l’interaction avec l’Homme.
Les chercheurs observent dans ces vestiges alaskiens les premières étapes d’une cohabitation qui allait transformer durablement à la fois l’Homme et le chien. Cette transformation s’effectue selon trois niveaux distincts d’interaction, chacun représentant un degré croissant d’interdépendance. Le premier niveau, la simple proximité spatiale, se caractérise par une coexistence opportuniste, où les canidés gravitent autour des campements humains, attirés par les déchets alimentaires.
L’apprivoisement constitue le deuxième niveau, marqué par une tolérance mutuelle accrue et des interactions plus régulières, sans pour autant impliquer un contrôle complet de la reproduction. Enfin, la domestication proprement dite représente le stade ultime de ce processus, où l’homme intervient délibérément dans la sélection des reproducteurs, influençant ainsi directement l’évolution de l’espèce.
Notre connaissance de cette histoire partagée entre l’homme et le canidé s’enrichit aujourd’hui d’une nouvelle page. Ces vestiges prouvent qu’une relation naissante a émergé, où la frontière entre le sauvage et l’apprivoisé commençait à s’estomper, même sans pouvoir parler de domestication au sens strict.
- Des ossements en Alaska révèlent que l’apprivoisement des canidés en Amérique du Nord remonte à 12 000 ans.
- Des traces de consommation de saumon et d’outils de pêche indiquent une intervention humaine dans l’alimentation des canidés.
- Le spécimen découvert est une espèce située entre le loup et le chien.
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