Hervé Barbaret (au centre), qui fut administrateur général du Louvre ou secrétaire général du ministre de la Culture, dirige France Muséums depuis 2019. Midi Libre – MICHAEL ESDOURRUBAILH
Entre deux visites au musée Fabre, à Montpellier, et Narbo Via, qui retrace l’histoire de la cité antique de Narbo Martius, Hervé Barbaret, directeur général de l’agence de conseil et d’ingénierie culturelle, France Muséums, née avec le projet "Louvre Abu Dhabi", a fait un détour par Midi Libre, ce lundi, pour une riche discussion avec cinq de nos lecteurs. Accompagné du directeur régional des affaires culturelles Michel Roussel, cet expert de la transformation de l’offre muséale et de la mise en réseau des établissements, a ainsi pu apporter son point de vue sur les (nombreux) enjeux actuels.
C’est un chiffre inquiétant qui a ouvert la rencontre, ce lundi, entre cinq de nos lecteurs et Hervé Barbaret, directeur général de France Muséums, agence de conseil et d’ingénierie culturelle. “Une étude sur les pratiques culturelles des Français, réalisée par le ministère de la Culture, révèle que quasiment trois quarts des adultes ne sont pas intéressés par les musées”, a résumé celui qui fut aussi administrateur du Louvre.
Une vraie dynamique
Et pourtant, assure-t-il, “on trouve une vraie dynamique muséale, pas seulement dans les grands musées nationaux. Il y a aussi en région, et notamment en Occitanie, beaucoup d’innovations qui pourraient trouver des expressions à l’étranger”. Parole d’expert, lui dont l’une des missions, dans la lancée de la création du projet Louvre Abu Dhabi, est de concevoir et produire des expositions internationales et de mobiliser des réseaux pour créer des partenariats.
Valérie Brousselle, à la tête de Narbo Via, qui retrace l’histoire romaine de la cité audoise, l’a ainsi interpellé sur l’attractivité des musées en région et leur possible export. “Un ancrage local est une condition nécessaire – mais pas suffisante – pour rayonner ensuite sur une dimension régionale, nationale voire internationale. Cela passe par une série d’initiatives, mais aussi une hybridation de la proposition. Le musée doit dépasser son rôle de mettre en avant des artefacts ou des œuvres. On peut imaginer une librairie, internaliser le spectacle vivant et pas seulement le juxtaposer, intégrer un restaurant… Il faut ainsi casser les cloisons et, avec, l’aspect inhibant du musée”. Qui peut provenir d’un manque de compréhension face à l’œuvre.
Hybridation, propositions restreintes, partenariat…
Autre piste développée par M. Barbadet, même si cela peut paraître paradoxal, imaginer des propositions muséales parfois plus restreintes. “Un nombre important d’œuvres, ça peut être effrayant. On peut en imaginer moins, mieux mises en gloire, avec des dispositifs de médiation, des expositions qui pourraient d’ailleurs être plus facilement présentées dans d’autres lieux”.
Une idée sur laquelle a rebondi Florence Hudowicz, conservatrice en chef du musée Fabre à Montpellier, qui a suggéré une mise en commun d’œuvres de différents musées de la région “qui arriveraient à raconter une forme d’histoire à la française à travers quelques tableaux emblématiques, sans pour autant dépeupler nos collections”. Une proposition qui a séduit Hervé Barbaret. “France Muséums est une structure dont le but est de faire rayonner le modèle muséal français, ses collections, ses compétences. Nous sommes donc intéressés pour accompagner ce type d’initiative, essayer de faire cristalliser pour aboutir à un projet concret, aussi avec une dimension commerciale pour contribuer au financement des institutions culturelles françaises. Le dialogue des grands musées à l’international est généralement de pair à pair, dans une logique de prêt contre prêt, mais on peut ainsi élargir ce travail à des clubs de musées de plus petites dimensions“, s’est-il réjoui.
200% Deposit Bonus up to €3,000 180% First Deposit Bonus up to $20,000La question de l’émotion…
Il faut donc savoir se réinventer tout en restant sur ses fondements, comme l’a démontré Michel Roussel, directeur régional des affaires culturelles (Drac), qui accompagnait Hervé Barbaret. “Il y a la question du numérique de plus en plus prégnante. On peut désormais visiter un musée virtuellement, accéder à sa collection numérisée. Mais comme pour une symphonie que l’on n’écoute pas de la même façon sur une plateforme audio que dans une salle de concert, la question de l’émotion, dans le rapport à l’œuvre, se pose, avec un travail d’éducation artistique et culturelle, de médiation”, a-t-il résumé.
“L’expérience immédiate, c’est effectivement notre métier. On est face à une œuvre et il se passe quelque chose, c’est fondamental. La première mission d’un musée, c’est l’émotion. Viennent ensuite la conservation et la transmission aux générations suivante”, a répondu Hervé Barbadet, rappelant au passage et avec moult exemples, la richesse française “sans équivalent des mille et quelques musées, et pas seulement les grands musées nationaux“. Il était déjà l’heure, pour le directeur général de France Muséums, d’aller au plus près de cette richesse languedocienne avec une visite, après le musée Fabre, de Narbo Via, “dont la fréquentation est en croissance régulière”. Un espoir pour la filière muséale.
Trois musées, trois destins
La richesse muséale française s’illustre notamment en Occitanie. Ainsi, face à Hervé Barbaret, se trouvait ce lundi la conservatrice en chef du musée Fabre de Montpellier Florence Hudowicz, Jacques Michaud qui a soufflé jadis l’idée de Narbo Via aujourd’hui géré par Valérie Brousselle et Michel Aberlen, vice-président des Amis du peintre Albert-André qui soutient le musée du même nom à Bagnols-sur-Cèze.
Trois musées, trois destins. Celui du musée Fabre d’abord "dont on fêtera cette année le bicentenaire de la première donation". Une histoire qui lui permettra d’accueillir un autre événement en 2025, Guimet +, soit l’accueil, pendant quatre ans à raison d’une exposition chaque année, d’un prêt d’œuvres du musée Guimet, le musée national d’arts asiatiques à Paris. "Cela permettra de découvrir l’Asie à travers quatre grandes aires culturelles et géographiques : la Chine, l’Inde, le Japon et le monde himalayen", a résumé Florence Hudowicz, qui a parlé d’un projet "innovant" car partagé avec d’autres villes. "La présidente du musée Yannick Lintz fut jadis conservatrice du musée d’Agen et elle a conscience que les œuvres dont elle a la charge doivent être plutôt présentées en région qu’en réserves", a commenté Hervé Barbaret qui a salué cette initiative.
Jacques Michaud a lui témoigné de la réflexion qui a permis la création, en 2021, du musée Narbo Via. "Nous étions deux enseignants imprégnés d’une certaine culture, nous estimions qu’il était indispensable de la répandre. C’était un vieux rêve de la société narbonnaise depuis le XVIe siècle que de retrouver la romanité, l’imaginer, la rêver, la projeter, on l’a concrétisé. Mais on est allé plus loin en quittant le localisme, en embrassant la Méditerranée ; on travaille avec Nikos Aliagas, d’un lien avec le musée de Missolonghi, en Grèce", a relaté – entre autres – l’Audois. L’histoire est là en marche.
Aux confins du Gard, le musée Albert-André, "le premier d’art moderne de France", ouvert en 1920, peine à faire mieux que 4 500 visiteurs par an malgré une riche collection – de Renoir notamment –, "car situé dans 360 m², au premier étage de la mairie de Bagnols". "Les réserves sont imposantes mais ne peuvent être posées, faute de mètres linéaires", a témoigné Michel Aberlen, interrogeant le fonctionnement des plus petits musées, heureusement soutenus par le monde associatif. Une autre forme de richesse.
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