A Causse-de-la-Selle, les travaux de sécurisation vont durer une dizaine de jours. Sylvie Cambon
Trois chutes de blocs rocheux la semaine dernière, dans l‘Hérault, le Gard et l’Aveyron, ont rappelé que la nature peut être instable. Les routes sont d’ailleurs régulièrement sécurisées.
“Des miraculés”. Au lendemain de l’éboulement survenu sur la RD 122, entre Saint-Guilhem-le-Désert et Ganges, non loin de Causse-de-la-Selle où elle réside, Karine ne cachait pas son émotion au micro de Ici Hérault. Alors qu’elle était au volant pour rejoindre son domicile, son conjoint Leaven lui a soudainement crié de s’arrêter. “Il a d’abord pensé que c’était des sangliers qui descendaient. Puis, il a aperçu un gros rocher et m’a dit de braquer. La pierre a roulé au-dessus de lui et nous a renvoyés de l’autre côté de la route“. Par “chance”, c’est l’arrière du véhicule qui a été écrasé par un bloc de 3 tonnes. “À une seconde près”, Karine et Leaven s’en sont sortis “indemnes, avec des petits bleus”. Mais un contrecoup psychologique important.
Le même jour, dans le Gard, entre Anduze et Générargues, un autre éboulement de falaise se produisait, sans faire de victime celui-là, mais obligeant le conseil départemental à fermer la RD 129 pour dix jours, le temps de réaliser des travaux de sécurisation. Deux jours plus tard, c’est au-dessus de Millau, dans la montée de la Cavalerie qui amène au Larzac, qu’un bloc de pierre de 30 tonnes s’est écrasé sur la route, touchant un camping-car, heureusement là aussi sans drame humain. Mais avec les mêmes perturbations sur un axe de surcroît très fréquenté.
686 points de surveillance dans l’Hérault
La concordance des trois événements pousse les experts à penser que c’est le récent épisode de gel qui a fragilisé des blocs rocheux, lesquels sont ensuite tombés avec le dégel. Ces éboulements de falaise surviennent toutefois régulièrement çà et là, à l’image de celui survenu en novembre dernier dans les Pyrénées-Orientales sur la RD53B, qui relie la vallée de Pagris à Amélie-les-Bains. Les 5 000 tonnes de roche tombés dans un précipice de 100 mètres ont même poussé les autorités locales à “abandonner définitivement” cette petite route et de lancer des études pour la construction d’une nouvelle voie.
200% Deposit Bonus up to €3,000 180% First Deposit Bonus up to $20,000Cette solution ultime est évidemment rare. Dans l’Hérault, la RD225, entre Lodève et Soubès, a seulement été fortement perturbée deux mois cet automne, le temps de stopper le délitement de bancs de marne par un cloutage des masses rocheuses fixé par du béton projeté, avant la réinstallation d’un filet de sécurité. “Le long de notre réseau routier de 5 000 km, nous avons 686 OPF que l’on surveille régulièrement”, assure Philippe Vidal, vice-président en charge des routes au Département. OPF, pour “ouvrages de protection des falaises”, “qui peuvent être des capteurs, des grillages, des clôtures ou d’autres systèmes de protection”, décrypte l’élu.
Ce travail représente “un budget de 500 000 €” à l’année, qui peut gonfler en cas de travaux plus importants que la nature imposerait soudainement. En 2022, il a fallu couper la route entre Avène et Le Bousquet d’Orb pendant plusieurs mois, après qu’un premier éboulement a montré qu’une masse très volumineuse d’au moins 100 m3 menaçait la RD08, un axe pourtant majeure pour l’activité de l’usine Pierre-Fabre.
“Un bloc que l’on connaissait…”
Cette nouvelle chute de pierres à Causse-de-la-Selle inquiète toutefois Philippe Vidal. “Il y avait déjà, sur ce secteur, des falaises qui étaient surveillées, aménagées même, mais ce bloc-là, que l’on connaissait, n’avait pas été estimé à risque. Les services me disent que ce peut être l’impact du réchauffement climatique, cela va donc peut-être nous obliger à élargir notre système de protection, nous allons y réfléchir”.
Dans l’Hérault, on a conscience qu’il ne faut pas prendre le sujet à la légère. À l’été 2018, un camping-cariste qui s’était installé en bord de route dans la vallée de la Vis a été tué sur le coup par un rocher de 1 m3. Depuis, sur plusieurs kilomètres, la RD25, pourtant prisée des baigneurs en rivières, a été interdite au stationnement.
Patrouilles quotidiennes
Dans le Gard aussi, on surveille régulièrement les falaises qui bordent le réseau départemental. “Nos agents patrouillent quotidiennement les routes de montagne et interviennent dès qu’ils repèrent quelque chose, soit en réalisant eux-mêmes une opération de purge, soit en appelant une entreprise spécialisée”, décrit Martin Delord, élu départemental chargé des routes, qui s’est lui-même retrouvé il y a quelques années “avec un éboulement devant le capot de ma voiture. Depuis, des filets ont été installés à cet endroit”, se souvient-il.
Le vice-président du Département du Gard parle donc d’un suivi “au jour le jour”, moins complexe selon lui à suivre “que la surveillance des ponts qui ne sont pas en bon état et qui peuvent poser plus de problèmes pour la continuité du service“. Refaire un ouvrage d’art, c’est plus long, plus coûteux et plus impactant pour la circulation à mener qu’une sécurisation de falaise. “Cela ne nous empêche pas de prendre ce sujet avec sérieux même si, jusque-là, nous n’avons pas connu d’éboulement gravissime d’un point de vue humain“. “Une chance”, ajoute-t-il. Dans leur malheur, Karine et Leaven peuvent dire la même chose.
Une entreprise spécialisée en Cévennes
Basés à Saint-Hippolyte-du-Fort, en Cévennes, Hypogée MCV et sa vingtaine de salariés, jusqu’à 60 avec les intérimaires, interviennent régulièrement sur les falaises de la région. "En cas d’éboulement ponctuel, on va purger, avec des barres à mine, ce qui est instable. Cela permet de sécuriser la zone", détaille Benoît Martinez, conducteur de travaux. "On peut aussi conforter les blocs en les ancrant sur la roche ou poser des écrans", poursuit-il. Des interventions forcément périlleuses. À Anduze, jusqu’au 31 janvier, ses équipes travaillent sur une falaise de… 150 mètres.
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