On continue ou on éteint tout ?
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© frank mckenna / Unsplash 𝕏
La fièvre ne veut plus retomber. Après les températures terrestres, ce sont les températures océaniques mondiales qui pulvérisent tous les records, avec des conséquences dévastatrices pour les écosystèmes marins. Depuis mars 2023, les océans ont suffoqué sous des températures extrêmes sur une période de 450 jours. Un phénomène qui dépasse les projections les plus pessimistes des climatologues.
Grâce à une étude de l’Université de Reading (Angleterre), nous savons désormais pourquoi. Celle-ci a été publiée le 28 janvier dans la revue Environmental Research Letters, et les résultats sont franchement alarmantes.
Un emballement thermique qui s’accélère
Grâce à l’analyse des données satellitaires depuis 1985, les chercheurs sont tombés sur cette conclusion : la vitesse d’absorption de chaleur a été multipliée par quatre en 40 ans. Les chercheurs ont établi une corrélation claire entre l’augmentation de la température des océans et l’intensification du bilan radiatif terrestre (différence entre le rayonnement solaire absorbé par la Terre et le rayonnement infrarouge qu’elle émet vers l’espace).
C’est ce dernier qui détermine la température moyenne de la Terre et il affiche dorénavant un excédent qui a doublé depuis 2010. Cela signifie qu’il y a plus d’énergie solaire absorbée par notre planète que d’énergie infrarouge renvoyée dans l’espace. Les océans, véritables réservoirs thermiques, absorbent désormais 90 % de cette chaleur excédentaire.
Pour illustrer l’accélération du réchauffement des océans, Christopher Merchant, professeur d’océanographie à Reading, utilise l’image d’une baignoire. Dans les années 1980, le réchauffement était comparable à un mince filet d’eau chaude. Aujourd’hui, le débit a considérablement augmenté : le robinet est ouvert à plein régime, et la température de l’eau monte très rapidement.
Les océans, victimes d’une triple peine
Ce réchauffement accéléré résulte de plusieurs facteurs convergents. En premier lieu, les gaz à effet de serre, principalement issus de l’industrie des énergies fossiles, en constituent la cause principale, représentant 44 % de la chaleur excédentaire lors des années El Niño. Des phases chaudes d’un cycle climatique naturel dans l’océan Pacifique, caractérisée par des températures de surface de l’eau anormalement élevées.
200% Deposit Bonus up to €3,000 180% First Deposit Bonus up to $20,000Par un retournement inattendu, les efforts de dépollution atmosphérique ont engendré un effet pervers : la diminution des aérosols sulfurés, notamment dans le transport maritime international et l’industrie chinoise, a réduit la formation des nuages marins, qui agissent comme les boucliers réfléchissants de notre planète. Cette modification de l’albédo océanique (proportion de rayonnement solaire réfléchie par la surface de l’océan vers l’espace) s’est conjuguée aux effets d’El Niño, qui a lui-même insufflé une hausse additionnelle de 0,1 à 0,2 ° C dans le système global.
Merchant explique : « Ce sont les océans qui dictent le tempo du réchauffement climatique à l’échelle planétaire ».
Les répercussions de cette perturbation thermique sont déjà sous nos yeux. Le mois d’avril 2024 a marqué un point de basculement dramatique : 77 % des récifs coralliens de la planète ont subi un blanchissement massif, mettant en péril non seulement un quart de la biodiversité marine, mais aussi la subsistance d’un milliard d’êtres humains dépendant de ces écosystèmes.
Dans les zones tropicales, les masses d’eau surchauffées alimentent des phénomènes météorologiques d’une intensité redoutable. Vous souvenez-vous de l’ouragan Hélène ? Il en était l’exemple parfait : en l’espace de 24 heures, ce système tropical a puisé dans ces réservoirs thermiques l’énergie nécessaire pour se métamorphoser d’une tempête de catégorie 1 en un monstre de catégorie 4, avant de s’abattre sur le littoral floridien. Deux semaines après, l’ouragan Milton a tout ravagé sur son passage, au même endroit.
Les modélisations climatiques pour l’horizon 2045 ne sont pas plus radieuses : l’accumulation thermique océanique des deux prochaines décennies pourrait surpasser celle des quarante années précédentes. Même si ces simulations comportent des incertitudes, elles se trompent rarement sur les grandes tendances. Dans une telle situation, l’inertie institutionnelle des décisionnaires politiques est l’une de nos pires ennemies, car elle hypothèque notre capacité à nous adapter aux changements déjà en cours et à limiter les dégâts irréversibles. Et c’est précisément ce qui est en train de se passer. « Les conséquences en cascade – incendies, sécheresses, inondations – ne feront que s’aggraver. Il est urgent d’en prendre conscience, mais surtout que les gouvernements comprennent que les bouleversements à venir risquent d’être bien plus rapides que ce qu’ils anticipent » alerte Merchant
- Les océans subissent un réchauffement sans précédent, accéléré par l’absorption massive de chaleur excédentaire.
- Plusieurs facteurs, dont la hausse des gaz à effet de serre et la diminution des nuages marins, aggravent cette tendance.
- Les conséquences seront catastrophiques : des écosystèmes marins en danger, des ouragans plus violents et des impacts climatiques destructeurs à venir dans la prochaine décénnie.
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