Peu de personnes connaissent son nom, mais c’est pourtant grâce à elle que les smartphones sont aujourd’hui omniprésents.
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© Adrienn / Pexels 𝕏
L’évolution de l’informatique personnelle s’est construite sur l’arrivée de technologies disruptives : émergence de la programmation, invention du premier ordinateur personnel ou encore du World Wide Web. Les exemples sont très nombreux, certains plus connus que d’autres, c’est pourquoi nous allons aujourd’hui nous pencher sur l’un appartenant à cette dernière catégorie : l’architecture ARM (Advanced RISC Machines), une architecture de processeur conçue pour être économe en énergie et compacte.
De nos jours, elle est absolument partout dans nos appareils mobiles : smartphones, tablettes, mais également dans de nombreux objets connectés. Si nous devions remercier quelqu’un pour l’existence de l’ARM, c’est certainement Sophie Wilson, une informaticienne qui a su anticiper les besoins de l’ère mobile dans les années 1970, bien avant son avènement.
Sophie Wilson a eu cette intuition géniale : la mobilité allait devenir de plus en plus importante. © Chris Monk / Flickr
La femme qui a simplifié l’informatique
Née en 1957 dans le Yorkshire industriel de Leeds, elle évolue dans un environnement familial stimulant d’un point de vue intellectuel : elle est la fille d’une enseignante en physique et d’un père professeur de littérature anglaise.
Le premier véritable jalon de sa carrière se situe entre l’informatique et… l’agriculture. Pendant ses études au prestigieux Cambridge Mathematical Tripos (cours de mathématiques de premier cycle à l’Université de Cambridge), Wilson s’attaque à un défi concret : optimiser l’alimentation automatisée d’un troupeau de vaches.
Elle choisit le microprocesseur 6502, un composant fabriqué par MOS Technology en 1975, très novateur pour l’époque : il était économique et puissant, et rivalisait même avec les plus grandes entreprises en place comme Motorola ou Intel. Un candidat idéal pour un projet expérimental et limitant nécessairement les coûts de développement. Grâce à celui-ci, elle développa un système de contrôle électronique, précurseur des systèmes d’élevage de précision actuels, permettant de gérer l’alimentation des vaches de manière automatisée.
Un projet étudiant, qui peut apparaître à première vue comme assez modeste, mais qui reposait déjà sur les principes qui caractériseront plus tard l’architecture ARM : efficacité énergétique, simplicité fonctionnelle et adaptation précise aux besoins réels. Wilson comprenait déjà que la puissance d’un système ne résidait pas uniquement dans la complexité de ses composants, mais dans l’intelligence de leur organisation.
200% Deposit Bonus up to €3,000 180% First Deposit Bonus up to $20,000L’architecture ARM : une révolution conceptuelle
Wilson commença à travailler sur l’architecture ARM en octobre 1983 et sa conception même de ce que devait être un processeur était complètement différentes des approches dominantes de l’époque. Alors que les processeurs traditionnels multipliaient les instructions complexes (CISC – Complex Instruction Set Computing), Wilson opta pour une approche radicalement différente avec le RISC (Reduced Instruction Set Computing).
Pour mieux comprendre ce que cela signifie, prenons un exemple pour illustrer : imaginons tout d’abord les processeurs comme des cuisiniers. Les processeurs traditionnels, les CISC, sont des chefs cuisiniers qui connaissent une multitude de recettes complexes, allant du simple œuf au plat à des plats gastronomiques bien plus élaborés. Ainsi, ils peuvent exécuter des tâches très variées, mais au prix d’une certaine lenteur et d’une certaine complexité.
Wilson, avec l’architecture ARM, a opté pour une approche différente : le RISC. C’est exactement comme si elle avait formé des cuisiniers spécialisés dans quelques techniques de base très efficaces. Ces derniers sont bien plus rapides pour préparer les plats simples, mais ils doivent combiner ces techniques pour réaliser les plats plus complexes.
L’architecture RISC repose sur plusieurs principes fondamentaux. Premièrement, un jeu d’instructions simplifié mais hautement optimisé ; si l’on reprend l’exemple du cuisinier, il ne connaît que quelques recettes basiques, mais les maîtrise à la perfection.
Dans un second temps, des cycles d’exécution réguliers et prévisibles : si on compare cette fois le processeur à une horloge, les cycles d’exécution correspondraient au tic-tac régulier. Dans l’architecture RISC, chaque instruction prend à peu près le même temps à s’exécuter. L’aiguille progresse de manière constante et mesurable, chaque tic-tac représentant une unité de temps bien définie.
Ensuite, une utilisation efficace des registres, qui sont la mémoire à court terme du processeur et servent à stocker temporairement les données utilisées par les calculs. Dans une architecture RISC, beaucoup de registres sont sollicités pour éviter d’aller chercher les données en mémoire, une opération trop lente. Si le processeur peut accéder à un plus grand nombre de registres, il peut forcément travailler plus rapidement.
Dernier point : une consommation électrique minimale. Sa conception simple et son efficacité le rendait beaucoup moins énergivore que ses contemporains en CISC.
Une approche minimaliste qui permet d’obtenir de solides performances tout en maintenant une consommation énergétique modérée. Le premier processeur ARM, livré le 26 avril 1985 et fonctionne parfaitement dès sa mise en service.
Un peu moins de 30 ans plus tard, en 2012, les processeurs ARM équipaient 95 % des smartphones, une domination qui s’explique par leur capacité unique à maintenir un équilibre optimal entre performance, prix et autonomie. En 1990 fut fondée l’entreprise ARM Ltd. (aujourd’hui en procès contre Qualcomm) pour gérer et développer cette architecture. Cette dernière fut créée par une équipe d’ingénieurs issus d’Acorn Computers, qui avaient aussi travaillé sur le développement de l’ARM avec Wilson. Cette conception de processeur est encore d’actualité malgré son âge, mais elle fait face à une concurrence croissante, notamment de la part de RISC-V, une architecture open-source qui gagne de plus en plus de terrain. À bien y réfléchir, une conception aussi ancienne qui perdure encore de nos jours est un phénomène très rare dans le monde de la tech ; l’intuition de Wilson était donc d’une justesse remarquable.
- Sophie Wilson, ingénieure visionnaire, a conçu une architecture de processeur révolutionnaire en misant sur simplicité et efficacité.
- L’architecture ARM, née dans les années 1980, a transformé l’informatique mobile en équilibrant performance et faible consommation.
- Aujourd’hui omniprésente dans nos appareils mobiles, cette innovation reste une référence malgré l’émergence de nouvelles alternatives.