Bagnols-sur-Cèze : aux Escanaux, le maire fait installer des blocs de béton, solution précaire pour contrer le trafic de drogue

Les accès piétons et véhicules sont désormais bloqués par ce type de blocs. Midi Libre – C. C.

Des blocs entre les immeubles pour dissuader les consommateurs de venir se fournir dans le point de deal le plus important des Escanaux. Midi Libre – C. C.

Plus d’accès en véhicule possible depuis l’avenue de la Mayre vers l’allée des Lauriers. Midi Libre – C. C.

Des blocs entre les immeubles pour dissuader les consommateurs de venir se fournir dans le point de deal le plus important des Escanaux. Midi Libre – C. C.

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Ils ont été installés ce jeudi 16 janvier à l'aube, autour du plus important point de trafic du quartier des Escanaux. Les habitants sont dubitatifs sur l’efficacité de la mesure. Si le trafic de drogue pourrit leur quotidien, cela n’entrave pas la solidarité qui existe entre eux depuis toujours. Pour le maire, dont les moyens sont limités, il s'agit d''harceler les dealers et contenir les consommateurs. Des blocs pour faire bloc dans les blocs". 

Comme annoncé dans un reportage du journal télévisé de France 2 mercredi soir, ce jeudi 16 janvier à l’aube, des accès piétons et voiture du quartier des Escanaux ont été fermés avec des blocs de béton par des agents de la Ville, en présence du maire. En voiture, l’allée des Lauriers n’est par exemple plus accessible par l’avenue de la Mayre. Il n’y a désormais plus qu’un seul point d’entrée et de sortie pour ce lieu d’approvisionnement, qui sera contrôlé par la police. Objectif affiché : perturber les clients et les guetteurs, et déplacer cet important point de deal (lire par ailleurs). “Harceler les dealers et contenir les consommateurs. Des blocs pour faire bloc dans les blocs”, annonçait quelques heures plus tard Jean-Yves Chapelet dans une publication Facebook. Une opération que la municipalité, en liaison avec la police, préparait depuis plus d’une semaine. Une opération qui intervient une semaine après la lettre ouverte du maire au ministre de l’Intérieur à qui il demande “un engagement fort de l’État”.
Dans la matinée comme plus tard dans la journée, les guetteurs encagoulés étaient toujours là, à se faire passer des sacs par-dessus les murs. Dans Bagnols, les habitants s’interrogeaient sur l’efficacité d’une telle mesure et sur le fait que les horaires de la présence policière aient été annoncés à la télé. “Donner l’heure des créneaux de la présence de la police qui est censée arrêter le trafic” semble absurde aux Bagnolais croisés hier dans le centre-ville et aux Escanaux.

“À Noël, dans les blocs de deal, ils ont offert des cadeaux aux enfants”

Le trafic pourrit le quotidien des habitants. Une retraitée qui vient de déménager nous racontait en décembre : “Ils font leurs besoins dans la cage d’escalier, ils nous empêchent de monter chez nous.” 
D’autres Bagnolais rencontrés ce jeudi ont tenu à témoigner de la grande solidarité qui existe aux Escanaux. Ainsi Nadia(*), une trentenaire qui a grandi ici et vit désormais dans un village. Elle revient souvent avec ses enfants qui aiment s’amuser au square. “C’est le seul endroit que je connaisse où il y a de la solidarité.” Sur les dealers, Nadia confie : “Oui ils font du bruit, font des tirs de mortier.Ils font ce qu’ils font.Mais ils sont polis. A Noël, dans les blocs de deal, ils ont offert des cadeaux aux enfants, à boire et à manger.Pareil à Halloween.Oui, ils n’ont pas le droit de vendre la mort.Mais s’ils n’ont pas de travail, n’ont rien à manger, ils vont voler ? Ils font ça, c’est plus facile.”

“On est enfermé dans notre quartier, même si les murs sont transparents” 

Son amie, Valérie(*), vit aux Escanaux depuis dix ans : “Les gens ont peur, c’est normal, moi aussi, avant de vivre ici, j’avais peur, j’étais nourrie pas la télé. La vie dans ce quartier est conviviale.Je me sens en sécurité et je me plais. Je n’ai même jamais été aussi heureuse”, tant les partages entre des êtres humains de toutes générations et origines sont riches. Les deux dames continuent : “Je suis blonde”, “Je suis rebeu.” “On est devenues meilleures copines. Et ici, il y a de l’entraide.” Elles citent le soutien à ce migrant qui dormait sur un carton ou les cagnottes lancées pour aider des mamans en grande difficulté. “Et l’été, tout le monde rigole avec tout le monde.” Les deux amies ont réalisé à quel point, avant, “on était étriqué dans notre tête”.  “J’ai appris à ouvrir mon cœur. J’ai connu ici des gens exceptionnels que je n’oublierai jamais”, poursuit Valérie. Intarissable, Nadia partage encore : “Ils ne veulent plus de deal mais les parquent tous ensemble. Ils sont mis de côté de la société. On est enfermés dans notre quartier, même si les murs sont transparents.” 

“Le trafic a toujours existé et existera toujours”

Plus loin, deux hommes, fatalistes, lancent : “Le trafic a toujours existé et existera toujours… Ils nourrissent des familles…”
Si ces blocs de béton entravent désormais la circulation des dealers et leurs clients, ils entravent aussi le chemin des honnêtes gens. Laïla(*) doit désormais faire un sacré détour pour aller chercher ses enfants à l’école.

(*) À la demande des intéressées, les prénoms ont été modifiés. Je m’abonne pour lire la suite