Le dépistage, un geste simple. Midi Libre – ANNESI TIZIANA
"Ok maman, je lâche la clope et toi, tu fais ton dépistage colorectal" : face aux très mauvais chiffres du dépistage du cancer colorectal en Occitanie, à peine une personne sur trois entre 50 et 74 ans, l’Assurance maladie initie une nouvelle campagne régionale de sensibilisation, axée sur le lien intergénérationnel.
Emmanuelle Samalin est hépato-gastroentérologue à l’ICM Val d’Aurelle de Montpellier, spécialisée en oncologie médicale.
Pour Emmanuelle Samalin, la population éligible doit se faire dépister. Midi Libre – JEAN MICHEL MART
Pourquoi y a-t-il si peu d’adhésion au dépistage du cancer colorectal ?
Par peur d’un résultat positif, je pense, et parce que ce test nécessite l’examen des selles, ça reste compliqué alors qu’il n’y a rien de difficile à faire, que ce n’est pas sale. Le dépistage du cancer du sein est plus facile.
Peut-être aussi qu’on est mauvais, qu’on ne fait pas assez de communication, même si j’ai l’impression qu’on met le paquet ces dernières années.
Il faut rappeler que ce dépistage est celui de la population globale, c’est-à-dire les personnes qui sont asymptomatiques, sans facteur de risque identifié. Il y a très peu de chance de découvrir un cancer.
Pour qu’un dépistage ait de la valeur, il faut qu’il y ait au moins 45 % de participation, on est très en dessous.
La nouvelle campagne d’invitation au dépistage. DR
À peine 30 %…
En France, c’est 38 %, l’Hérault, c’est 34 %. C’est quand même mieux si on peut anticiper, car le cancer colorectal est le deuxième cancer le plus mortel.
Avec quels résultats ?
Dans 96 % des cas, le résultat du dépistage est normal. Quand le test est positif, il y a 5 chances sur dix pour qu’il n’y ait rien du tout à la coloscopie, trois à quatre chances sur dix pour qu’il y ait un polype bénin et un risque sur dix de trouver un cancer. Et dans ce cas-là, ce cancer sera guéri dans 90 % des cas.
C’est quand même extrêmement rassurant de se dire qu’on peut détecter tôt, c’est l’intérêt d’un dépistage !
200% Deposit Bonus up to €3,000 180% First Deposit Bonus up to $20,000Par définition, quand on va faire un dépistage, on prend le risque que le résultat soit positif. Ce qu’il faut changer dans nos têtes, c’est qu’on se donne la chance d’une détection précoce, et donc d’une guérison. Si on fait “l’autruche” en attendant des symptômes, ce sera peut-être trop tard.
Il y a bien meilleur autour de nous, en Europe ?
Il y a peut-être des pays européens où les choses sont mieux organisées, dans les registres, les études de population… en Suède, par exemple. Mais on peut quand même dire que les choses s’améliorent en France. Depuis cinq ans, le taux de participation progresse mais il faut vraiment qu’on fasse mieux. 50-74 ans, c’est “la” cible, c’est à ce moment-là que la population est le plus touchée. Il faut vraiment que ça rentre dans les mentalités et peut-être qu’il nous faut des messagers publics, des célébrités…
Dès lors qu’un personnage public s’empare d’une question qui est de l’ordre privé, les choses paraissent plus simples, plus humaines, on touche les gens. Quand c’est un médecin, ou quelqu’un qui représente la loi, l’autorité, c’est plus compliqué.
Quel est le cheminement : test, puis si positif, coloscopie, et s’il y a des polypes, il faut enlever pendant l’intervention, et engager un traitement si cancer ?
Exactement. Les polypes sont souvent enlevés pendant l’endoscopie. S’ils sont trop gros ou s’il y a une transformation cancéreuse, ce sera plutôt la chirurgie… en ayant pris soin d’éliminer les métastases.
Après ce geste chirurgical, soit il y a une surveillance, s’il n’y a pas d’atteinte ganglionnaire ou de risque de récidive, soit on propose un traitement qu’on dit adjuvant, une chimiothérapie, pour sécuriser la situation
Dans ces situations curatives de cancers, il y a des spécificités, selon qu’on a une tumeur localisée au colon, ou au rectum. Le colon, on fait plutôt de la chirurgie, et après un traitement si les ganglions sont positifs. Pour le rectum, il va y avoir beaucoup de traitements en amont de la chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie… et on a une toute petite population de patients, qui va représenter peut-être 15 % des cancers colorectaux, qui seront éligibles à l’immunothérapie. Ce n’est pas un traitement de routine, mais on a la possibilité d’épargner aux patients un geste chirurgical.
On peut ainsi avoir des patients en rémission complète.
C’est récent ?
Oui, des études très encourageantes sortent depuis deux-trois ans, mais ça reste de l’ordre des essais thérapeutiques et de la recherche clinique.
En revanche, c’est autorisé pour les cancers métastatiques, et on a aussi des rémissions complètes. Il y a de l’espoir, et c’est notre rôle de la transmettre, car il y a toujours cet inconscient collectif du mot cancer associé à la mort. On guérit. On ne souhaite pas communiquer de la peur.
Un cancer guéri neuf fois sur dix s’il est détecté tôt. Midi Libre – SOPHIE WAUQUIER
Encore une fois, c’est par l’immunothérapie que beaucoup de progrès arrivent…
Oui, et de nouvelles thérapies ciblées, selon le profil moléculaire des patients, nous permettent de faire de la médecine personnalisée avec une base chimiothérapie.
Il y a de très gros progrès. On a même des techniques innovantes de diagnostic comme l’ADN tumoral circulant qui permet d’avoir un profil moléculaire par une prise de sang. Tout ça va très vite, même si en pratique c’est encore anecdotique.
Vous dites qu’il y a des cancers colorectaux…
Il y a tellement de situations différentes que c’est compliqué d’en faire des généralités. Il y a des cancers colorectaux, en fonction de la situation, du stade, et des anomalies moléculaires.
Les consultations sont parfois compliquées car les patients se sont renseignés sur la dernière thérapie, celle qui fait le plus parler. Il peut y avoir une déception alors qu’on essaie simplement de s’adapter au mieux à la pathologie.
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