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“Il n’y a jamais eu de chef, toutes nos décisions sont à l’unanimité” : la folle histoire du Splendid racontée par Thierry Lhermitte

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Midi Libre donne la parole cette semaine aux acteurs de l’emblématique troupe qui fête ses 50 ans, avec le livre "Le Splendid par le Splendid, nous nous sommes tant marrés" (Le Cherche Midi), vendu au profit de la Fondation pour la recherche médicale (FRM). Entretien aujourd’hui avec Thierry Lhermitte.

Comment avez-vous procédé pour écrire tous ensemble ce livre sur les 50 ans du Splendid au profit de la Fondation pour la recherche médicale, dont vous êtes l’ambassadeur ?

Tout le monde a écrit séparément. L’idée était de chercher d’abord des vieilles photos : on choisit celles qu’on a envie de publier, on vire celles dont on ne veut pas. Le journaliste Jean-Pierre Lavoignat s’est chargé de collecter les photos auprès de chacun de nous, ça n’a pas toujours été facile, et ensuite il nous a interviewé, chacun a commenté les photos qu’il souhaitait. 

Vous balayez dans ce livre très riche votre parcours depuis les bancs du lycée de Neuilly, qu’est-ce qui vous réunit déjà à cette époque ?

C’est l’amitié, le fait de s’être choisis, de s’aimer, de s’entendre, des goûts communs, les mêmes réflexions, tout ça avec beaucoup de rire…

La joyeuse troupe dans ses jeunes années. Collection personnelle Le Splendid

Dans ce parcours jalonné de rencontres, vous dressez les uns et les autres un portrait contrasté de Coluche, entre grand cœur et chef de bande parfois un peu tyrannique perdu dans les paradis artificiels. C’était un peu ça Coluche ?

Cela dépend des périodes, les paradis artificiels, c’est juste pendant un moment, c’est la complexité des gens, c’est comme ça.

Mais on a tellement ri, il a été tellement généreux avec nous… Il aimait bien être chef et nous on ne voulait pas de chef, mais on n’avait pas de soucis avec lui, ça ne nous empêchait pas de rigoler à mort.

C’est l’une des clés du Splendid, l’absence de leader…

Absolument. Il n’y a jamais eu de chef, toutes les décisions qui sont prises le sont à l’unanimité. Pour que cela fonctionne comme ça, il faut beaucoup de respect les uns envers les autres.

Cela veut dire que si l’un de vous n’est pas d’accord, vous n’y allez pas ?

C’est arrivé plein de fois, c’était énervant mais c’est comme ça, si on se respecte les uns les autres, on respecte aussi les décisions qui ne nous arrangent pas. Mais je ne peux pas dire lesquelles, ce qui se passe au Splendid, reste au Splendid…

La troupe au grand complet devant son fameux café-théâtre. Collection personnelle Le Splendid.

Dans l’histoire de la troupe, l’un des tournants est ce séjour au Club Med qui va inspirer les Bronzés. Pour écrire la pièce et le film, vous avez énormément puisé dans du vécu ? 

Beaucoup de choses ont été vues et entendues… C’était tellement pittoresque à l’époque, tellement dingue et tellement chaleureux en même temps. C’est une critique aimable qu’on fait du club. On y allait énormément, on jouait un spectacle et on était invités une semaine.

C’était formidable, je ne remercierai jamais assez le club de nous avoir fait passer des vacances merveilleuses et d’avoir été une source d’inspiration qui nous a bien réussi. Aujourd’hui, je ne fais plus de spectacles au Club Med, mais j’y vais toujours !

Comme le Club Med a-t-il pris la sortie du film ?

Pas bien parce qu’on ridiculise beaucoup les gens, mais avec bienveillance. Le Club, à un moment, a eu envie de changer d’image donc évidemment, ça ne les arrangeait pas… Mais ça ne les a pas empêchés d’avoir une énorme réussite mondiale.

On vous demande ensuite de reprendre vos personnages dans “Les Bronzés font du ski” et vous les poussez encore un peu plus loin…

Oui ils sont encore plus prétentieux, encore plus bêtes, encore plus mesquins !

Mais le film a failli être très loin de ce qu’il était…

Oiui, on voulait faire un film qui devait s’appeler “On a bouffé l’hôtesse de l’air”, en s’inspirant du crash d’avion dans la cordillère des Andes, où les passagers avaient fini par manger des cadavres pour survivre.

On ne voulait pas faire une suite des Bronzés, on trouvait ça commercial, un peu facile, et puis le producteur a insisté. Il avait bien raison.

Comment se déroule ce tournage des Bronzés font du ski?

De la grosse rigolade tout le temps et puis beaucoup de ski. C’était merveilleux d’habiter à l’endroit où on tourne, ce qui était le cas pour les deux films. Franchement, c’était un régal.

Ce tournage est parfois aussi un peu éprouvant…

Tourner dans la neige c’est toujours compliqué parce qu’il ne faut pas faire de traces, il fait froid, les jours sont courts en hiver. 

Et un jour, on était en train de tourner en haute montagne tout d’un coup le mauvais temps est arrivé et il a fallu évacuer tout le monde. L’hélicoptère a fait plusieurs rotations pour ramener le plus de gens possible. On a laissé la matériel là haut parce qu’il fallait partir vite. Et on est descendus Christian, Gérard et moi avec le guide, en ski, c’était super !

Le Père Noël est une ordure est l’un des points d’orgue de votre collaboration. Quel souvenir gardez-vous de la conception de ce film ?

Il y a un nouveau metteur en scène : on découvre Jean-Marie Poiré. C’est un film avec plus de budget, tout le décor a été construit au studio de Joinville. Plus de moyens, plus de plans, mais on est toujours au bord du fou rire dans beaucoup de scènes.

Parce que c’est très amusant de jouer des dialogues aussi absurdes, en étant le plus vrai possible. L’intensité de l’interprétation avec des dialogues si particuliers, c’est notre joie de tous les jours.

Et la répartition des rôles n’est pas forcément celle qui était prévue à l’origine…

Oui, on a changé. Anémone devait faire Thérèse, elle était tellement extraordinaire au théâtre. Josiane (pressentie à l’origine pour le rôle de Thérèse, NDLR) était moins disponible, donc elle fait Madame Musquin. Michel n’avait pas écrit, mais il est avec nous avec cette voix charmante…. On aurait adoré voir Jugnot faire le travesti, mais il ne voulait pas se couper la moustache, donc il a fait le Père Noël. La vie d’une troupe… Et au final c’est magnifique comme ça.

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Lorsque vous écrivez ensemble, chacun apporte quelque chose de différent, c’est ça ? Vous souvent beaucoup d’idées, Christian un peu plus la structure, Gérard les gags, etc.

Oui, mais ce sont des grandes tendances, parce qu’on n’a pas de rôle déterminé, il n’y a pas un spécialiste de chaque domaine, c’est le fait d’être ensemble qui fait qu’on fourmille d’idées et que ça avance, la dynamique de groupe qui fait qu’on crée des trucs.

Cela se passe chez les uns, ou les autres l’après-midi, et puis on discute de choses et d’autres, et puis on commence à bosser. Les gens sont toujours étonnés de savoir comment on peut écrire à 6-7.

Au début c’était au hasard, on cherchait une idée. Est-ce que l’idée tenait ? Est-ce que c’était riche ? Une fois qu’on était partis, on accumulait des bêtises et puis ensuite on commençait à faire une structure, et puis c’était très scolaire après, c’est un peu scène par scène, réplique par réplique.

Mais Michel Blanc est le premier à s’éloigner de la troupe, pour voler de ses propres ailes….

Oui, Michel a toujours été très indépendant, toujours un pied dans le groupe et l’autre en dehors, c’était son caractère.

En 2021, vous recevez un César collectif, c’était une reconnaissance que vous attendiez ? Aurait-elle dû venir un peu plus tôt ?

Je ne l’attendais pas, mais c’est très agréable. Personnellement, ça m’a fait très plaisir, je suis très content, ça ne m’a jamais manqué, quand les gens sont gentils avec vous, on ne peut pas cracher dessus.

Christian Clavier l’a ressenti différemment. 

Oui, Christian a un peu de ressentiment que ce ne soit pas arrivé plus tôt, chacun réagit comme il veut.

Ce n’est pas une compétition dans laquelle il y a un résultat objectif comme une course à pied. Là, ce sont les goûts des gens qui votent, ils aiment ce qu’ils veulent.

12 mars 2021 : Thierry Lhermitte reçoit son César dans le costume de Pierre Mortez. AFP POOL – DOMINIQUE CHARRIAU / POOL

Cette cérémonie des César aura été l’occasion de vous retrouver tous ensemble après à l’hôtel. 

Ah oui, on a mangé ensemble après, c’était sympa comme tout. C’était particulier, parce que c’était pendant le Covid, donc on a été isolés dans une pièce, c’était rigolo.

Est-il plus compliqué aujourd’hui de rire de tout, est-ce qu’il y a des choses, que vous ne pourriez pas refaire aujourd’hui ?

Honnêtement, en particulier en ce qui me concerne, le personnage de Popeye, je pense que la moitié des gens penserait aujourd’hui que c’est du premier degré, alors que c’est un abruti qui fait des blagues nulles et machistes. C’est à mourir de rire, justement parce qu’on se moque du personnage. 

Le problème aujourd’hui c’est que le deuxième degré est mal compris et les blagues sont suspectes d’être au premier degré. Les gens se vexent et sont susceptibles. Donc ça ne fait plus rire les gens qui pensent qu’on pense ce que disent des personnages horribles. Tant pis on ne rit plus avec ces gens-là, c’est la vie.

Quel est votre rapport à la critique ?

Je n’en ai pas, donc c’est plus simple ! Je ne lis ni les mauvaises ni les bonnes.

Vos films sont devenus, comme le dit Gérard Jugnot, des “films de garde” comme il y a des “vins de garde”. Ils sont cultes aujourd’hui.

C’est le temps qui les a rendus cultes. Parce qu’à la sortie, c’était des jolis petits succès pour des jeunes qui débutent. Mais le fait qu’ils aient été vus et revus, ils sont rentrés dans la culture populaire française.

Comment analysez-vous ce lien unique que vous avez noué avec les Français ?

Je ne m’en réjouis, mais je n’ai pas d’explication. Je peux espérer que les films ne soient pas trop mauvais et que cela fasse partie des raisons de les aimer. Et puis, de tomber au bon endroit au bon moment, de parler de choses dont les gens ont envie d’entendre parler, de faire rire avec des choses dont ils ont envie de rire.

Cela tient aussi à ce sens de l’observation de vos contemporains, cette façon de croquer la médiocrité humaine ?

Il faut regarder les gens et se regarder soi-même. Et savoir rire de nos travers. Cela nous englobe là-dedans…

Beaucoup de répliques cultes résonnent toujours aujourd’hui…. 

C’est comme les Tuche, c’est devenu un mot commun.

Auriez-vous aimé que la troupe reste ensemble plus longtemps ?

À l’époque, j’aurais aimé. Mais on a fait ça pendant dix ans, quand même. Sept ans, vraiment, professionnellement à se voir tous les jours, à produire des quantités énormes de conneries, forcément, on s’épuise… J’en aurai rêvé, mais la réalité, c’est que, d’une part, on a commencé à être demandés au cinéma et au théâtre.

Et quand on a épuisé ce qu’on a en commun, en tout cas pendant un moment, c’est normal que ça s’arrête.

Vous vous retrouvez ensuite pour Les Bronzés 3, immense succès en salles, mais aussi de nombreuses critiques. Qu’est-ce ce vous inspire ?

Les mêmes critiques que les autres films à la sortie…. Exactement les mêmes ! La différence énorme, c’est que le monde s’était fait son fantasme de ce que devaient être Les Bronzés, ce que devait être une suite. Et on ne peut jamais être à la hauteur d’un fantasme. On a failli appeler le film, “c’était mieux avant”. Mais bon, on ne voulait pas non plus donner un titre à Libé…

Moi, j’adore ce film. On est tous encore plus nesquins, encore plus bêtes, avec le bling-bling qui vient de notre époque.

Ce livre devait être l’occasion de vous réunir pour ne pas vous retrouver la prochaine fois au cimetière, disiez-vous. Triste ironie, Miche Blanc est mort juste avant sa sortie. 

On s’est beaucoup parlé juste avant, pour les photos, pour les textes. Ce livre, c’est la dernière chose qu’on aura faite ensemble. Michel a participé au projet jusqu’au bout, il est mort quelques jours après le bon à tirer.

C’est très triste. On a passé notre vie ensemble avec Michel, à part peut-être les quinze premières années. On savait toujours ce que l’autre faisait. C’est une vie ensemble. On a partagé des choses extraordinaires, l’amitié. J’aimais profondément Michel. Je l’admirais. C’est comme ça, c’est la vie.

Aviez-vous d’autres projets ensemble avant sa disparition ?

On espérait vaguement que quelqu’un nous écrive peut-être quelque chose, il n’y avait rien d’obligatoire mais rien d’interdit non plus, mais ce n’était pas facile, car il fallait contenter sept personnes.

Il y aura d’autres projets communs ? 

Peut-être, mais franchement on n’en sait rien. Si on doit faire quelque chose, ça ne sera pas un Bronzé, ça c’est sûr. Mais c’est un régal dès qu’on se retrouve. On se voit toujours d’ailleurs, pas tous ensemble c’est trop compliqué à organiser, mais les uns avec les autres.

Le livre “Le Splendid par le Splendid, nous nous sommes tant marrés” (Le Cherche Midi, 256 pages, 26;50€ est vendu au profit de la Fondation pour la recherche médicale (FRM), dont Thierry Lhermitte est l’ambassadeur. Il intervient une fois par mois sur France Inter avec une chronique santé pour rendre compte, notamment, de ses visites dans les laboratoires. Je m’abonne pour lire la suite

Teilor Stone

Teilor Stone has been a reporter on the news desk since 2013. Before that she wrote about young adolescence and family dynamics for Styles and was the legal affairs correspondent for the Metro desk. Before joining Thesaxon , Teilor Stone worked as a staff writer at the Village Voice and a freelancer for Newsday, The Wall Street Journal, GQ and Mirabella. To get in touch, contact me through my teilor@nizhtimes.com 1-800-268-7116

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