INTERVIEW. Veganuary 2025 : est-il possible d’avoir un bon équilibre alimentaire sans viande ? Les réponses d’un nutritionniste

Entre omnivorisme, végétarisme et véganisme, les choix alimentaires reflètent des enjeux nutritionnels, éthiques et environnementaux. Mais qu’implique réellement une alimentation sans viande ou sans aucun produit d’origine animale ? Laurent Chevallier, médecin nutritionniste exerçant en milieu hospitalier en clinique à Montpellier, répond à cette interrogation à l’occasion du Veganuary 2025.

Peut-on arrêter de manger de la viande ou consommer aucun produit d’origine animale ?

La viande participe à un bon équilibre alimentaire, mais il est possible d’en avoir un sans viande. En revanche, arrêter complètement l’absorption de produits d’origine animale, c’est une autre histoire.

Quelle est la proportion de personnes concernées par le véganisme en France ?

Le véganisme touche aux alentours de 2 % de la population française. On en parle beaucoup sur le plan médiatique, mais ça touche en réalité très peu de monde.

Si vous consommez beaucoup de végétaux, vous avez une digestion qui est plus lente

Quelle est la perception des élevages dans le débat sur la viande ?

On tend à généraliser en présentant tous les élevages comme des lieux de souffrance animale, sans distinguer les élevages traditionnels, souvent respectueux des animaux et les élevages industriels, où les pratiques peuvent être problématiques.

Qu’est-ce que la viande in vitro, et quels enjeux y sont associés ?

La viande in vitro est produite en laboratoire à partir de cellules musculaires. Elle est promue par de grandes entreprises sous prétexte d’éliminer la souffrance animale et de limiter l’impact écologique. Cependant, ces arguments sont contestés, notamment en raison des coûts énergétiques et des implications sociales et économiques pour l’agriculture.

Qu’est-ce que le Veganuary ?

Veganuary est une organisation à but non lucratif qui incite les individus du monde entier à adopter une alimentation 100 % végétale pendant le mois de janvier et au-delà.

Depuis son lancement en 2014, elle a motivé et accompagné des millions de personnes à découvrir le mode de vie végétal. Rien qu’en 2024, plus de 2 100 produits et menus vegan ont été créés spécialement pour Veganuary à travers le monde.

Tout au long de l’année, l’organisation soutient les particuliers et les entreprises dans leur transition vers une alimentation végétale, avec pour objectif de préserver l’environnement, réduire la souffrance animale et améliorer la santé de millions de personnes.

Pourquoi l’homme est-il omnivore ?

C’est probablement un facteur adaptatif sur Terre, c’est-à-dire que si vous consommez beaucoup de végétaux, vous avez une digestion qui est plus lente. L’intestin humain est trois fois plus court que l’intestin du chimpanzé parce que, justement, l’humain a une alimentation qui contient un peu de gras, un peu de protéines animales, alors que le chimpanzé, non.

Quelle est la consommation de viande chez les Français ?

Notre consommation de viande est tout à fait excessive parce qu’il y a eu un malentendu. Après la guerre, la viande symbolisait un statut social et une amélioration du pouvoir d’achat. On considérait que seuls les riches pouvaient se la payer, notamment après la guerre, où les gens se sont mis à consommer plus de viande alors que ce n’était pas du tout justifié sur le plan nutritionnel. Dans les années 50, la consommation de viande était aux alentours de 40-50 kg par an et par habitant. Elle est ensuite montée à 95 kg et elle est redescendue aux alentours de 83.

Notre consommation de viande est excessive

La consommation de viande est-elle donc indispensable au quotidien ?

Non, les apports recommandés sont d’environ 400 à 500 grammes de viande par semaine par individu. Après la guerre, on disait de manger de la viande au moins une fois par jour parce que les gens étaient très dénutris et beaucoup anémiés. Avec le temps, c’est moins vrai.

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Quels nutriments la viande apporte-t-elle ?

La viande apporte des protéines, du fer héminique (facilement assimilable) et de la vitamine B12, essentielle à la formation des globules rouges. Ces nutriments peuvent aussi être trouvés, en moindre mesure, dans les œufs, le poisson et les produits laitiers.

On a des protéines aussi de bonne valeur biologique, c’est-à-dire qu’on a tous les acides aminés dont on a besoin pour fabriquer ses propres protéines.

Comment assurer un apport suffisant en protéines avec une alimentation végétalienne ?

Une alimentation végétalienne nécessite de combiner des sources végétales de protéines comme les légumineuses et les céréales. Les végétaliens doivent souvent prendre des compléments en vitamine B12 pour éviter les carences, car celle-ci se trouve uniquement dans les produits d’origine animale.

“J’ai été biberonnée à la blanquette et à l’épaule d’agneau” : témoignage d’une participante au Veganuary

En 1996, après avoir créé l’Alliance anti-corrida à Nîmes, Claire Starozinski a fait un choix radical : arrêter de manger de la viande. Plongée dans le milieu de la protection animale, elle a été bouleversée par les conditions de vie des animaux, notamment des cochons dont l’intelligence est comparable à celle d’un enfant de cinq ans.

Progressivement, l’activiste a cessé de consommer du poisson et du fromage. "La vache produit du lait seulement si elle a un veau, mais pour cela, elle est inséminée de force. Son veau, séparé d’elle, est engraissé avant de partir à l’abattoir. Et ce lait, qui devrait nourrir son petit, est utilisé pour fabriquer du fromage", explique-t-elle.

Ce qui l’a amené à cuisiner différemment, elle qui a été "biberonnée à la blanquette et à l’épaule d’agneau".

Cependant, elle continue de manger certains produits d’origine animale comme le miel et les œufs. Mais à l’occasion du Veganuary, elle décide de relever un nouveau défi : s’engager à manger uniquement des aliments végétaux pendant un mois tout en faisant attention à éviter les carences nutritionnelles.

"On sait tous l’empreinte carbone que génère la viande. N’importe qui, sans être vegan, peut réduire sa quantité de produits animaux ne serait-ce que pour protéger l’humanité. Alors même si vous n’êtes pas vegan chaque petit effort que vous ferez ira dans le bon sens", insiste-t-elle.

Quelle consommation journalière de protéines doit-on avoir ?

1 g par kg de poids corporel, autrement dit, si vous pesez 70 kg, vous avez besoin de 70 g de protéines. On sait qu’un steak de 100 g, chez le boucher, a près de 30 g de protéines. Mais vous allez aussi avoir des protéines dans les légumes secs. Les lentilles ont près de 25 g de protéines même s’il n’y a pas tous les acides aminés.

Quels risques alimentaires sont associés à certaines tendances comme le véganisme chez les jeunes ?

On constate des déséquilibres chez les jeunes adolescents et on est un peu inquiet. Quand on fait les prises de sang, on s’aperçoit qu’effectivement le taux de fer est un peu limite et le taux de vitamines D n’est pas très bon, engendrant fatigue et autres problèmes. Ces tendances peuvent aussi favoriser des comportements obsessionnels vis-à-vis de la nourriture, comme l’orthorexie.

Alors que chez les adultes végétariens, j’ai rarement vu des carences. Ils ont une approche alimentaire un peu différente et connaissent, en général, assez bien les processus.

Que pensez-vous des produits alternatifs comme les “steaks végétaux” ?

Au niveau européen, les “steaks végétaux”, dont le terme “steak” est problématique, sont présentés comme innovants alors que ce sont des produits souvent ultratransformés contenant des additifs comme des arômes et des colorants.

On constate des déséquilibres chez les jeunes adolescents

Quelqu’un qui consomme de la viande toute l’année et qui décide d’arrêter pendant un mois verra-t-il des changements ou des bénéfices ?

Diminuer sa consommation de viande, c’est plutôt bien. Les bénéfices de manger beaucoup de végétaux sont : moins de maladies cardiovasculaires et un apport en polyphénol intéressant. Les gens, encore une fois, font attention à prendre un peu de légumineuses avec un peu de céréales le moins transformés possible, car ce n’est pas toujours très bien digéré.

Est-ce compliqué d’avoir une alimentation équilibrée ?

Non, je ne pense pas. C’est la moitié de l’assiette en légumes, un quart de féculents et un quart d’alimentation d’origine animale.

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