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Le grand boom des boissons sans alcool dans le Biterrois : quand les degrés tombent, les ventes décollent

François Pugibet fait la part belle aux vins sans alcool, dans son Domaine de la Colombette. Midi Libre – SYLVIE CAMBON

Le vin reconquiert son statut de boisson préférée (pour 60 % des Français), coiffant la bière au poteau, selon une passionnante étude de l’institut Sowine/Dynata en 2024. L’intérêt pour les boissons sans alcool (ou très peu) serait en stagnation mais celles-ci continueraient d’attirer jeunes et buveurs sociaux et soucieux de leur santé. Avec ses 246 000 hectares, le vignoble du Languedoc-Roussillon, le plus grand de France, se taille la part du lion devenant le terroir de prédilection du no-low. Dans le Biterrois, La Colombette, Le Petit Béret ou Pierre Chavin augmentent leur chiffre d’affaires, en faisant chuter le degré.

Au détour d’un rayon au supermarché, ou chez un caviste, on n’échappe plus au “no-low” de moins en moins confidentiel.
Du champagne de l’apéritif au digestif, le no-low, pour no alcohol et low alcohol, est cette tendance de fond qui marque une profonde désaffection pour nos bibines, pousse-café et autres jajas traditionnels !

Et trace son sillon dans une viticulture “à l’ancienne” depuis une dizaine d’années, non sans rencontrer quelques écueils.

L’alcool, toujours synonyme de virilité

Ancré dans son domaine de La Colombette à Béziers, le vigneron François Pugibet, pionnier en France de la désalcoolisation par “osmose inverse” en 2005, un procédé visant à séparer l’alcool d’autres résidus grâce à l’utilisation de membranes, s’en souvient encore. “La relation française à l’alcool est toujours liée de virilité”, lâche le créateur de Plume, un vin allégé à 9 degrés, et très opposé au leitmotiv “avant c’était mieux”.

Le grand boom des boissons sans alcool dans le Biterrois : quand les degrés tombent, les ventes décollent

La bière est la boisson sans alcool la plus consommée, loin devant le vin. SOWINE

Des pionniers du no-low

Bières, spiritueux, vins et même liqueurs avec un très faible taux d’alcool fleurissent depuis quatre ou cinq ans. “Dans les années 2000, nous avons été les premiers à nous préoccuper de l’augmentation du taux d’alcool par chaptalisation dans les vins, excessivement puissants, jusqu’à 14° et plus. Nous sommes les pionniers du sans-alcool, et nous n’avons pas fait l’unanimité ! Il a fallu batailler, avec l’administration et les vignerons”, souffle François Pugibet, à la tête du domaine familial depuis 4 générations. “On a même frôlé la prison car on nous reprochait d’être trop novateurs”.

Toute la gamme est passée sous les 12 degrés

Rejoint en 1997 par son fils Vincent, diplôme d’ingénieur en poche, celui-ci s’investit dans la création de nouveaux cépages résistants allemands et italiens, qui permettent une viticulture sans pesticides. Leur réussite, et leur innovation dans le sans-alcool, a été de conserver le goût du vin sans basculer dans le jus de raisin ou l’infusion. “La réduction du taux d’alcool augmente les qualités gustatives, assure-t-il. Toute la gamme de La Colombette est d’ailleurs passée sous les 12 degrés”.

1 vente sur 3 sans alcool

Le pétillant octogénaire s’intéresse à tout, à l’histoire comme à la génétique et supporte mal les suspicions qui pèsent sur sur l’avenir des terroirs. “La viticulture ne doit pas se résumer à la perpétuation des méthodes d’antan”, assène ce fervent militant des cépages résistants aux maladies de la vigne, issus de croisements multiples. “La consanguinité (bouturage, greffage, NDLR) nécessite toujours plus de chimie pour éviter que les vignes dégénèrent”.

Pour lui, un vin propre, “ce n’est pas un vin bio qui utilise le sulfate de cuivre ou le souffre en provenance des raffineries pour lutter contre le mildiou ou l’oïdium”. Alors si la vigne “ne peut échapper à la création de nouvelles variétés de cépages, à l’infini”, les vins à faible teneur ou sans alcool, à partir de cépages résistants, sont désormais pour lui, des incontournables, à forte valeur ajoutée. “Et puis il y a la crise !”

Disparition de la consommation quotidienne

La chute de la consommation de vin (70 % en 60 ans), résultat de la disparition d’une consommation quotidienne ne s’est pas enrayée. Alors, à La Colombette, se réinventer n’est pas anecdotique : “En 2005, nous avons vendu 3 000 bouteilles de notre gamme légère Plume à 9°. Aujourd’hui, c’est plus d’un million par an. Le vin sans alcool, effervescent ou non comme le Born to be free, c’est une vente sur trois, dont 80 % à l’international”.

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Une nouvelle unité de distillation plus puissante

Et puisque la raison principale qui freine la consommation du vin réside dans son alcoolisation, “nous avons investi dans une unité de distillation, un prototype, à hauteur de 500 000 €, car incontestablement, les commandes augmentent”.

Les 270 hectares de vigne produisent 25 000 hectolitres par an. L’histoire est loin de s’arrêter pour la famille Pugibet. “Des cépages, on peut en créer tant qu’on veut, c’est très optimiste ! Cela fait peur aux nostalgiques. On veut du vin vieux, mais le vin est bon entre 5 et 10 ans, après c’est la nostalgie du passé !”

L’avenir est à construire. Encore faut-il que les administrations de tutelle l’entendent. “Le retard est énorme. Sur notre domaine, on a plus de 40 cépages résistants que l’on traite deux fois par an. Avant, c’était jusqu’à 14 fois !”

En 2024, 28 % des Français ont consommé des boissons no-low telles que des bières, des cocktails ou des vins. Entre aléas climatiques et baisse de la consommation, la filière doit gagner en agilité et partir à la conquête de nouvelles tendances. Et pour François Pugibet, c’est même “merveilleux”.

 

Un rayon d’avance pour le caviste qui a cru au no-low

Installé depuis trois ans au 1 603 avenue de la Pompignane à Montpellier, le caviste Geoffrey Garcia a eu du nez, pas seulement en matière de sélection de vins. "On s’est lancés dans le sans alcool, c’était les prémices. L’an dernier, on a fait 15 % de notre chiffre d’affaires en janvier, pour le Dry january et les ventes en no-low représentent aujourd’hui entre 15 et 20 % de notre chiffre à l’année". Chez Mon caviste a un grain, une autre clientèle est devenue fidèle, grâce à la création d’un rayon unique en son genre, entièrement dédié au sans alcool. "Nous allions la tradition, l’innovation et une vision moderne du métier de caviste. Nous répondons aussi à une demande croissante en proposant des alternatives sophistiquées, défend-il. Notre clientèle va de la femme enceinte, aux sportifs, à ceux qui ont des convictions religieuses, à la grosse partie constituée de "flexibuveurs", des gens assez sceptiques, à convaincre mais curieux." De l’apéritif au digestif, vins, bières, rhums, gins, whiskys, liqueurs et bulles s’offrent aux buveurs exigeants, "pour leur santé, ou parce qu’ils doivent prendre le volant !". Les bouteilles les plus difficiles à défendre sont les vins, "on a tendance à comparer. Bières et effervescents marchent très bien. Quant aux spiritueux, il faut accompagner les gens, car ceux-ci ne se consomment qu’avec un adjuvant qui joue le rôle d’exhausteur de goût". Le caviste s’approvisionne chez Pure Drink, un grossiste local spécialisé dans le100 % sans alcool, une alternative qui devient de plus en plus populaire. Mais attention, "les enfants sont exclus, comme pour les cigarettes en chocolat qui ont disparu, ces boissons ne leur est pas destinées !".

 

La maison Chavin veut devenir leader mondial

La success story du no-low de la maison de négoce viticole Pierre Chavin à Béziers démarre en 2010, grâce à la ténacité de Mathilde Boulachin, sa fondatrice. "J’étais enceinte et je sentais que j’allais beaucoup m’ennuyer avec une eau pétillante-tranche à l’apéritif. L’idée m’est venue d’offrir une alternative sans alcool de qualité à tous ceux qui ne peuvent plus boire d’alcool, ou qui n’en boivent pas." Spécialiste de l’innovation dans l’univers du vin, créatrice de tendance, "on s’intéresse à ce que recherchent les consommateurs, on essaie de comprendre la tendance". Il y a 15 ans, l’offre sans alcool n’existe pas dans le vin. Une niche s’ouvre, qui s’agrandit, conjuguée aux changements de comportements, à la baisse de la consommation du vin et à cette forme "d’hybridation qu’est le flexi-drinking, c’est-à-dire boire de temps en temps mais pas systématiquement, ce qui s’est accentué en période de post-Covid." L’arrivée du Dry January, ou "mois de janvier sans alcool" stratégique vient étayer sa thèse première, quelque peu fragile, puisque pour Mathilde Boulachin, s’annonce déjà une sixième édition pleine de promesse. "On va relever le défi !", assure-t-elle.
La marque Pierre Chavin est une pure invention censée la protéger des attaques sexistes, très présentes à ses débuts. "Je me suis cachée derrière un nom masculin, mais aujourd’hui c’est bien toléré. C’était un peu risqué et audacieux dans une région très viticole. On pensait que j’étais folle", sourit la Champenoise d’origine.
D’autres s’y sont mis, comme Le Petit Béret à Puisserguier qui travaille à partir du mout et sans fermentation depuis 2015. "On désucre, on travaille l’assemblage, on filtre et on met en bouteille. On ne fait pas de la marche arrière comme c’est le cas avec la désalcoolisation", explique Betty Carme, la COO (chief operating officer). "Nous ne sommes pas vignerons, mais nous travaillons avec eux, ce qui leur permet de développer un chiffre d’affaires en pleine crise." Le Petit Béret est sur la table de Petit Pierre à Béziers, au Fouquet’s, au Palais Royal ou sur la carte du triplement étoilé Gilles Goujon dans un accord mets-vins sans alcool.
Chez Maison Chavin, tout part du vin. "Deux œnologues travaillent les sélections. La désalcoolisation se fait dans le Bordelais ou des unités existent, par distillation sous vide, très respectueuse des arômes pour garder le profil vineux, et à basse température. Nous y apportons de la complexité comme le boisage, et nos formulations."
Avec ses marques comme Pierre Zéro, Opia, Florentina ou Le Petit Étoilé, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Chavin est présent dans 65 pays et vient de passer la barre des 15 M€ de chiffre d’affaires, "93 % se font à l’international, le pourcentage de croissance de 40 %". Si la consommation du no-low n’en est qu’à ses balbutiements, Mathilde Boulachin perçoit une « tendance de fond", au-delà d’un simple phénomène de mode. "La concurrence arrive, souligne Betty Carme. On doit se partager le gâteau ! » « Mais de très belles choses arrivent", promettent-elles.

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Teilor Stone

By Teilor Stone

Teilor Stone has been a reporter on the news desk since 2013. Before that she wrote about young adolescence and family dynamics for Styles and was the legal affairs correspondent for the Metro desk. Before joining Thesaxon , Teilor Stone worked as a staff writer at the Village Voice and a freelancer for Newsday, The Wall Street Journal, GQ and Mirabella. To get in touch, contact me through my teilor@nizhtimes.com 1-800-268-7116