L’accusée est jugée pour association de malfaiteurs terroriste et encourt 30 ans de réclusion. Croquis Valentin Pasquier
Depuis début novembre, la cour d’assises spéciale de Paris juge huit personnes accusées d’avoir aidé ou poussé le terroriste Abdoullakh Anzorov à poignarder et décapiter le professeur d’histoire-géographie Samuel Paty, le 16 octobre 2020, devant son collège de Conflans-Sainte-Honorine, après qu’il a montré des caricatures lors d’un cours sur la laïcité.
Parmi les accusés, une Nîmoise de 36 ans, Priscilla Mangel, qui baigne dans un environnement radicalisé. Elle est soupçonnée, quelques jours avant les faits, d’avoir attiséla haine du tueur sur les réseaux sociaux et encourt trente ans de réclusion. La juridiction spéciale rendra son verdict le 20 décembre.
“Le 16 octobre 2020 à 16 h 54, M. Paty a été assassiné. Anzorov écrit la revendication sur Twitter, vous l’avez vue ?”, questionne le président de la cour d’assises spéciale de Paris, Franck Zientara.
“Oui je l’ai vue, j’ai été horrifiée par la photo. J’ai pris peur, j’ai cliqué sur le pseudo, je me suis rendu compte que j’avais eu un échange avec cette personne, j’ai supprimé mon compte…”
La Nîmoise Priscilla Mangel, 36 ans, a-t-elle mis une ou plusieurs pièces dans l’engrenage criminel qui a poussé Abdoullakh Anzorov, terroriste tchétchène de 18 ans, à décapiter Samuel Paty, professeur d’histoire et géographie, devant son collège de Conflans-Sainte-Honorine ?
Poursuivie pour association de malfaiteurs terroriste, celle qui était surnommée Cicatrice sucrée s’en est défendue mercredi, longuement interrogée par la cour, qui juge sept autres accusés pour avoir aidé le tueur ou l’avoir poussé au crime.
Comparaissant libre, voile recouvrant sa tête, voix douce, assurée, teintée d’un léger accent du Sud, elle a fait acte de contrition, mais sans jamais reconnaître que ses publications sur les réseaux, puis ses contacts directs avec le terroriste ont conforté l’assassin dans son projet terroriste.
200% Deposit Bonus up to €3,000 180% First Deposit Bonus up to $20,000Rappelons le contexte : le procès des attentats de Charlie Hebdo a commencé début septembre 2020 et Brahim Chnina, un père de famille, lance une campagne de dénonciation de Samuel Paty sur les réseaux sociaux. Sur la base de fausses accusations de sa fille : elle affirme que lors d’un cours sur la laïcité où il a montré les caricatures de Mahomet, l’enseignant aurait demandé aux musulmans de sortir de classe.
P.Mangel, baignant dans la djihadosphère, pas opposée à la polygamie, encore moins au voile pour les enfants et ne supportant surtout pas le blasphème, est suractive sur les discussions en ligne.
Elle publie la vidéo diffamatoire de Chnini et elle est en contact avec le terroriste Anzorov, échangeant sur l’enseignant, relançant aussi le tueur, trois jours avant les faits, sur la supposée discrimination de l’élève, la religion qui ne serait pas respectée ou encore les caricatures encouragées par l’Éducation nationale.
Le président lit : “Vous lui écrivez : “Ils veulent éradiquer le cœur de la foi des gens”. Anzorov répond : “Ils n’y arriveront pas si seulement ils savaient”. Ça ne vous a pas inquiété de le conforter dans son idée ?”
“C’est une expression commune dans le Coran, ça veut dire “si seulement ils réfléchissaient”, c’est banal, évacue l’accusée. “Si j’avais su qui il était et ses intentions, je ne le connaissais pas… Mais j’avais aucun indice, aucun moyen de savoir, j’ai participé à la polémique, j’ai pas vérifié.”
Déjà, elle avait retweeté la une de Charlie Hebdo, “Tout ça pour ça”, un mois avant. Avec ces mots terribles : “Apparemment Charlie Hebdo en redemande ! Gourmandise addict au nom de leur liberté d’expression synonyme de la déchéance intellectuelle”, rappelle la cour.
“J’ai un problème avec le blasphème et les caricatures, la liberté c’est important, la fraternité aussi”, répond la mère de famille gardoise. Qui développe, face aux questions qui se multiplient : “Les dessins m’offensent, j’ai décidé d’utiliser des mots pour provoquer à mon tour, pensant que ces mots étaient équivalents à la liberté que Charlie Hebdo avait”, tente-t-elle.
“Le fait est là, vous envoyez un message, vous êtes responsable de la conséquence, quand vous dites “Charlie en redemande”, c’est très clair !”, tempête Me Szpiner, partie civile.
“Je ne baigne pas dans la sphère djihadiste, mais oui, je reconnais que j’ai pris conscience de la violence des mots utilisés et que celui qui a une idéologie mortifère peut le réaliser”, répond-elle.
Avant de le concevoir dans un semi-aveu : “Oui, des mots peuvent avoir des conséquences énormes, les utiliser peut pousser à la violence, j’en prends conscience aujourd’hui, mais je plaide non coupable.”
Quel crédit accorder à celle qui assure avoir désormais changé ? Mais qui ose dire qu’elle ne sait pas pourquoi son mari a été condamné à 14 ans pour association malfaiteurs terroriste, verdict rendu fin septembre 2020 ?
L’avocat général, offensif vis-à-vis de l’accusée, rappelle, inquiet, les “écoutes” où Priscilla Mangel ironise avec ses interlocuteurs après sa mise en examen : “Il faut me déradicaliser, lol, y’a du boulot… Genre les laïcards vont me donner des leçons.”
Le verdict est attendu le 20 décembre.
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