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Ce qui s’est passé dans ce laboratoire pourrait changer notre compréhension de la vie.

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Les premiers instants de la vie complexe recréés grâce à la science

© Image générée par l’IA DALL-E pour Presse-citron 𝕏

Dans un laboratoire appartenant au Swiss Federal Institute of Technology Zurich, une équipe de chercheurs vient de réaliser l’impensable : reconstituer et observer en direct l’un des processus les plus énigmatiques de l’évolution de la vie sur Terre.

Pour la toute première fois, la formation d’une relation endosymbiotique (association intime entre deux organismes où l’un vit à l’intérieur de l’autre, formant une unité fonctionnelle) entre deux organismes unicellulaires a été provoquée et étudiée de près. Une alliance microscopique qui a permis à la vie d’émerger sur notre planète. Pour plus d’informations concernant ces travaux, vous pouvez consulter la publication de l’équipe, parue dans la revue Nature le 2 octobre 2024.

Une pompe à vélo, un microscope et une découverte révolutionnaire

L’histoire de cette découverte commence par un défi en apparence insurmontable : comment introduire une bactérie dans une cellule fongique protégée par une paroi quasi impénétrable ? Face à cet obstacle, Gabriel Giger, doctorant à l’Institut fédéral suisse de technologie de Zurich, a développé une méthodologie pour le moins originale.

Son équipe a d’abord élaboré un cocktail enzymatique spécifique pour assouplir la paroi cellulaire, puis utilisé un microscope à force atomique équipé de la technologie FluidFM ; un outil de haute précision qui permet de manipuler et d’analyser des échantillons à l’échelle nanométrique ; transformé en seringue microscopique. 

Confronté à la pression intracellulaire qui expulsait systématiquement le cytoplasme (contenu liquide de la cellule fongique) lors des tentatives d’injection, Giger a eu l’idée d’utiliser… une pompe à vélo. Oui, vous avez bien lu. Cette solution astucieuse a permis de générer une pression trois fois supérieure à celle des pneus automobiles, suffisante pour forcer le passage des bactéries à travers la paroi cellulaire.

Thomas Richards, biologiste évolutionniste à l’Université d’Oxford, même s’il n’était pas impliqué dans cette étude, n’a pu s’empêcher de commenter cet habile détournement d’un objet du quotidien. « Adapter une telle technologie pour injecter des bactéries dans un champignon, c’est franchement impressionnant ».

Le pacte entre un champignon et une bactérie

L’équipe a choisi comme modèle d’étude une association naturelle entre le champignon Rhizopus microsporus et la bactérie Mycetohabitans rhizoxinica, un duo responsable de la maladie du flétrissement des plants de riz. Ce choix n’était pas le fruit du hasard : dans la nature, ces deux organismes ont développé une relation si étroite que le champignon ne peut plus se reproduire sans son partenaire bactérien.

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Les premiers essais avec la bactérie tristement célèbre Escherichia coli (qui avait provoqué un faux scandale pendant les JO 2024) ont révélé la complexité de l’entreprise. Ces bactéries, une fois introduites, se multipliaient trop rapidement, déclenchant une réponse immunitaire fatale de la part du champignon.

En revanche, M. rhizoxinica a démontré une capacité remarquable à trouver le juste équilibre. Elle s’est reproduite à un rythme compatible avec son hôte, évitant l’activation des défenses immunitaires tout en maintenant une population viable. La « bonne » bactérie (Mycetohabitans rhizoxinica dans le cas présent) sait donc comment vivre avec le champignon sans le tuer, contrairement à E. coli.

Les chercheurs ont même réussi à observer comment les bactéries ont progressivement colonisé les spores fongiques, assurant leur transmission aux générations suivantes. Cette habileté à s’intégrer dans le cycle reproductif de l’hôte constitue une étape fondamentale dans l’établissement d’une relation endosymbiotique durable.

Ce type de relation a joué un rôle absolument indispensable dans le développement de la vie sur Terre, et ce, à plusieurs niveaux. On pense que les cellules eucaryotes, qui constituent tous les organismes pluricellulaires (animaux, plantes et champignons), sont nées d’une endosymbiose. Des bactéries ont été englobées par d’autres cellules, établissant ainsi une relation symbiotique. Au fil du temps, ces bactéries se sont transformées en organites cellulaires essentiels : les mitochondries (pour la respiration cellulaire) et les chloroplastes (pour la photosynthèse).

L’acquisition de ces organites a ouvert de nouvelles voies métaboliques, permettant aux organismes d’exploiter de nouvelles niches écologiques et de se diversifier. Par exemple, l’apparition de la photosynthèse grâce aux chloroplastes a radicalement transformé la composition de l’atmosphère terrestre en enrichissant l’air en oxygène, ce qui a permis l’apparition de formes de vie plus complexes. L’endosymbiose a permis, plus tard, aux organismes d’acquérir de nouvelles fonctions, de se spécialiser et de former des organismes pluricellulaires encore plus complexes.

La symbiose cellulaire, moteur de l’innovation ?

Au fil de dix générations successives, les chercheurs ont documenté une excellente adaptation mutuelle entre les deux organismes. Le génome du champignon a rapidement acquis des mutations facilitant la coexistence avec son partenaire bactérien, tandis que les bactéries ont optimisé leur intégration dans les spores fongiques.

Julia Vorholt, microbiologiste au Swiss Federal Institute of Technology Zurich explique que les partenaires deviennent littéralement « dépendants l’un de l’autre ». Cette interdépendance se manifeste tant au niveau métabolique que génétique, créant finalement une nouvelle unité, totalement fonctionnelle.

Les chercheurs envisagent désormais de développer des cellules synthétiques dotées d’endosymbiontes, des organisme vivant à l’intérieur d’une autre cellule aux capacités spécifiques, qui pourraient aider à développer de nouvelles approches méthodologiques en biotechnologie. Les applications potentielles pourraient aller de la conception de nouveaux médicaments à la dépollution ciblée d’écosystèmes. Même si elle est passée un peu sous les radars, cette étude représente un pas de géant dans notre compréhension du monde vivant, et surtout dans nos compétences en ingénierie cellulaire.

  • Des chercheurs suisses ont recréé une relation endosymbiotique entre une bactérie et un champignon, essentielle à l’évolution des organismes complexes.
  • Une méthode innovante, combinant microscope de précision et pompe à vélo, a permis d’introduire la bactérie dans le champignon malgré une barrière cellulaire résistante.
  • Cette découverte pourrait mener à la création de cellules synthétiques capables de nouvelles fonctions.

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Teilor Stone

By Teilor Stone

Teilor Stone has been a reporter on the news desk since 2013. Before that she wrote about young adolescence and family dynamics for Styles and was the legal affairs correspondent for the Metro desk. Before joining Thesaxon , Teilor Stone worked as a staff writer at the Village Voice and a freelancer for Newsday, The Wall Street Journal, GQ and Mirabella. To get in touch, contact me through my teilor@nizhtimes.com 1-800-268-7116