L’INVITE DU DIMANCHE. Avec ses parcs Dinopedia, Philippe Lopez a trouvé les dinosaures aux œufs d’or

En quatre ans à peine, l’Alésien Philippe Lopez a créé trois parcs, un restaurant et un magazine dédiés au monde des dinosaures. Midi Libre – Michael Esdourrubailh

L’Alésien est à la tête des parcs à thème Dinopedia, concept qu’il ambitionne de développer partout en France. Homme de communication, passionné par l’entrepreneuriat, il a pour cela imaginé tout un univers.

Intarissable. Dans son bureau qui domine le Gardon d’Alès, Philippe Lopez en oublierait presque son rendez-vous suivant, tant le récit de sa semaine de vacances l’anime. “Cinq jours en immersion totale en nature, dans le sud de l’Espagne avec mon fils, à la recherche du lynx. On ne l’a pas trouvé car il est difficile à approcher, mais on a vu un bouquetin, un chamois, des cerfs, des aigles. Fabuleux“. Le jardin secret de ce Cévenol pur souche, né à Alès il y a 50 ans, père de trois enfants, c’est la photographie animale. Il se remémore encore sa rencontre avec un loup sur le mont Lozère : “il nous a sentis, nous a contournés, marchant toujours ses yeux dans mes yeux. Une vraie connexion”.

“Le monde du vivant m’a toujours passionné”, ajoute-t-il. Un paradoxe, puisque c’est pour une espèce disparue il y a 65 millions d’années que l’on est venu le voir. Dans le Gard, Philippe Lopez est en effet connu pour avoir créé, en 2020, Dinopedia, 10 hectares au-dessus de La Grand-Combe dédiés aux reptiles de l’ère jurassique. Avec plus de 140 spécimens, en taille réelle et animés pour la plupart, il s’est vite imposé comme le plus grand parc de dinosaures de France.

Meilleur vendeur Google

L’Alésien ne se présente pourtant pas comme le Alan Grant français, ce paléontologue fictif – imaginé par Michael Crichton et Steven Spielberg –, à l’origine du Jurassic Park qui a suscité dans les années 90 une vague de passion pour le dinosaure, jamais retombée depuis. Il l’avoue : “Je ne suis pas un scientifique, je suis sorti de l’école avec un BTS action commercial”.

Ce diplôme lui a permis d’intégrer le groupe Spir communication, qui gèrait le journal de petites annonces Top Hebdo mais faisait aussi office de régie publicitaire pour Google. “J’ai été désigné deux années d’affilée meilleur vendeur pour la France. Cela m’a valu d’être invité à San Francisco, une expérience de dingue”. Mais, un jour, est venu l’envie “de dédier toute cette énergie à mon propre compte”. “J’ai senti aussi le vent tourner”, deux ans plus tard, Spir mettait la clé sous la porte.

À l’inverse, sa petite agence de communication, 010Com, suit son bonhomme de chemin. Philippe Lopez rachète même la dernière imprimerie d’Alès, “modeste, mais cela nous a permis de travailler à 360° et de répondre à tous les besoins“.

De la forêt fossilisée au plus grand parc de France

Le changement d’ère intervient en 2020 quand s’offre à l’Alésien la possibilité de faire l’acquisition de la forêt de Champclauson, “jusque-là tenue par une association qui proposait une visite en petit train d’arbres pétrifiés ou de troncs fossilisés. Un lieu sans équivalent en France mais qui ne faisait que 5 000 visiteurs par an à 5 € le billet“, se souvient-il.

Le Cévenol sent le potentiel. “C’est un site géologique important. Mais si le carbonifère, c’est bien, cela ne suffit pas. On a donc conservé la forêt fossile et on a travaillé sur la période suivante“. En voyant tout de suite très grand – jusqu’à 30 mètres pour les dinosaures animés –, avec des ateliers de paléontologie, des aires des jeux, des parcours dans les arbres ou un mini-golf. Le succès arrive très vite, une fois passé les premiers mois de la galère Covid. “Ça a pris de l’ampleur, on est arrivé à 40 000 – 50 000 visiteurs par an en pleines Cévennes, loin des grandes villes. Là, je me suis dis waouh, je tiens un truc pas mal”.

Le créateur de Dinopedia a vu tout de suite “très grand”. DR

“Philippe, quand il voit une opportunité, il arrive à bien l’analyser puis à développer une stratégie différente des autres. Il aime entreprendre, sortir de sa zone de confort, se lancer de nouveaux challenges. S’engager ainsi dans un parc à thème, alors qu’il venait de la communication, c’était un pari osé. Mais il incarne le New Deal cévenol, il ne pouvait que réussir”, pose Christophe Meyruies, autre chef d’entreprise alésien qui partage avec lui la présidence de Leader Alès.

Son “truc pas mal”, Philippe Lopez le transforme alors en véritable univers Dinopedia. “J’ai vite compris que c’est un concept simple, efficace, que l’on peut dupliquer. Il suffit de disposer d’un cadre naturel”. Et accessoirement d’une capacité d’investissement, 1,2 M€ minimum par nouveau parc. “Mais on a la confiance des banques”.

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Un cheminement de 450 millions d’années

Pour apprendre, l’Alésien s’est d’abord implanté sur le causse de Mende, “un écrin de nature formidable dans lequel on a notamment amené un Argentinosaurus de 42 mètres de long et de 100 tonnes, le plus grand dinosaure animé du monde. On n’y a pas de grosses ambitions en termes de fréquentation, mais c’est une belle vitrine”. Il y a eu aussi, autre opportunité, le rachat d’une grotte dans les Pyrénées-Orientales, à Villefranche-de-Conflent, devenue un parc à thème souterrain unique de France. “On permet aux visiteurs de remonter le temps en rencontrant les homo-sapiens, les mammouths de la préhistoire, les dinosaures du mésozoïque, les insectes géants du carbonifère. Un cheminement de 450 millions d’années“, qui fut difficile à aménager, mais qui a déjà attiré 30 000 visiteurs en 2024.

Philippe Lopez, lors de l’ouverture du parc Dinopedia de Mende. Midi Libre – Louise Gal

Parc, fast-food, magazine

Ces succès aiguisent les appétits de Philippe Lopez. Au propre comme au figuré. Il a depuis imaginé un fast-food, The Big Rex, dont le décor et le menu feraient saliver Spielberg. Le premier a ouvert en octobre à Alès. Il a aussi créé un magazine, Dinopedia Découverte, disponible sur abonnement et destiné aux petits comme aux plus grands, pour tout savoir sur ces reptiles fascinants. “C’est une même galaxie. Le menu enfant, au restaurant, offre une entrée au parc. Les abonnés au magazine reçoivent un passeport d’aventurier qui leur ouvre aussi les portes des parcs”, décrit-il. Tout est pensé pour nourrir une ambition, celle d’ouvrir, à terme, “vingt parcs, chacun avec quatre restaurants autour”, dit-il, montrant au mur une carte de France où sont positionnés les différents projets plus ou moins avancés, notamment ceux autour de Lyon, Aix-en-Provence ou Gap, des sites aux zones de chalandises autrement prometteuses.

Fou ou génial ?

“La première fois que Philippe m’a parlé de son idée, je me suis demandé s’il est fou ou génial”, avoue le président d’Alès Agglomération Christophe Rivenq. “Il incarne l’audace, l’ingéniosité et porte ainsi les valeurs de notre territoire. C’est un de nos ambassadeurs, de surcroît très engagé localement, il nous rend fier”, ajoute l’élu, qui l’a accompagné dès le début.

“C’est vrai, c’est plus facile ici où on se connaît tous qu’ailleurs”, admet l’entrepreneur qui a rencontré un premier écueil en 2024. Son projet près de Lyon, dans l’ancien parc aquatique de Trévoux (Ain), a fait l’objet de recours qui ont stoppé le chantier à quelques semaines de l’ouverture. “J’ai dû licencier du personnel alors que Dinopedia n’a été que le prétexte d’une bataille politique contre le maire. Le pire, c’est qu’ils ont invoqué l’argument environnemental, moi qui en fais l’une des valeurs de notre univers, avec la famille et la culture”, raconte Philippe Lopez. Qui, pour autant, ne désarme pas. “J’avance avec les autorités pour obtenir les autorisations nécessaires. Ça va se faire. Et en même temps, ça me nourrit pour la suite”.

Chercheur de dinos’or

Car l’homme, comme l’entrepreneur, est avide d’apprendre. Sur le management par exemple, lui qui est désormais à la tête de treize structures différentes qui emploient une cinquantaine de salariés. Et sur les dinosaures ? “Je ne me définis pas comme un expert, mais oui, en cinq ans, je commence à être très spécialisé sur le sujet”, répond-il. Il a pour cela multiplié les rencontres avec le monde scientifique ou participé à un chantier de fouilles, dans la Vienne, à l’invitation de Xavier Valentin, paléontologue à l’Université de Poitiers. “J’ai collaboré à deux reprises à son magazine. C’est intéressant de valoriser nos métiers, notre patrimoine géologique important, expliquer l’intérêt de la recherche scientifique”, apprécie l’universitaire. Qui a même soufflé une idée, “que ces parcs puissent générer du mécénat pour financer les activités de recherche ou aider des étudiants”.

Philippe Lopez, sur un chantier de fouilles, dans la Vienne. D.R.

Philippe Lopez s’est montré intéressé, allant même jusqu’à imaginer un parc Dinopedia Experience… sur une véritable zone de fouilles. “Je ne sais pas quelle météorite va me frapper demain, mais oui, je réfléchis à toutes les opportunités qui peuvent servir mon ecosystème“, conclut le Cévenol, véritable chercheur de “dinos’or”.

Son actu en 3 infos

1- Des burgers du jurassique

C’est la dernière création de Philippe Lopez, une chaîne de "past-food", sur le thème des dinosaures. Le premier "The Big Rex" a ouvert en octobre sur la rocade d’Alès (ancien chemin de Mons), avec burgers (dont le Big Cévenol évidemment), frites, salades et desserts au menu. La particularité du restaurant reste son univers immersif, à table où le décor est jurassique, comme au drive. D’autres devraient suivre à Nîmes, Montpellier ou Avignon.

2- Leader Alès, Alès Mécénat

Depuis octobre dernier, Philippe Lopez est aussi coprésident de Leader Alès, réseau dont la vocation est de fédérer les chefs d’entreprise du bassin économique et industriel alésien. "J’ai envie de mettre à profit ma passion pour l’innovation et mon expérience en gestion d’entreprise pour soutenir et promouvoir nos entrepreneurs locaux", dit-il. Il partage la présidence avec Christophe Meyrueis, du bureau d’ingénierie 7Tech. Philippe Lopez est aussi président d’Alès Mécenat, fonds de dotation qui redistribue les dons des entreprises aux associations locales.

3- "Prends donc 5 minutes"

À 50 ans, Philippe Lopez ose se lancer dans une nouvelle aventure : Youtubeur. Sur le réseau social dédié à la vidéo, l’Alésien a donc créé sa chaîne "Prends donc 5 minutes" (à trouver sous ce nom sur YouTube), avec la promesse de poster régulièrement des sujets sur l’entrepreneuriat, ses passions comme la photographie animalière ou l’apiculture "et des sujets qui nous touchent tous" comme la sixième extinction de masse, thème "aussi fascinant qu’urgent" de sa première vidéo.

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