Quand les ordinateurs prenaient une pièce entière, Mary Allen Wilkes les voyait déjà dans votre salon.
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© Image générée par l’IA DALL-E pour Presse-citron 𝕏
Si certains génies qui ont marqué l’histoire de l’informatique jouissent d’une certaine notoriété ; comme Ada Lovelace ou Tim Berners-Lee ; d’autres sont restés un peu plus à l’ombre. C’est le cas de Mary Allen Wilkes, une femme qui a vu le jour en 1937 à Chicago, dans une Amérique qui se remettait lentement des ravages de la Grande Dépression. La ville des vents, comme on la surnomme, était alors un microcosme de ce que vivait le pays tout entier : une métropole en mutation, marquée par de profondes inégalités sociales, mais aussi par une effervescence culturelle et une volonté de renouveau.
Mary Allen Wilkes n’était pas destinée à l’ingénierie ou aux sciences, et encore moins à l’informatique. C’est pourtant elle qui est devenue la toute première personne au monde à utiliser un ordinateur à domicile.
À une époque où les femmes étaient sous-représentées dans le domaine de l’informatique, Mary Allen Wilkes a montré que les femmes pouvaient tout à fait exceller dans ce domaine. © Mary Allen WIlkes personal archive / Wikipédia
À la fin des années 1950, alors que l’informatique balbutiait encore dans les laboratoires gouvernementaux et universitaires, Mary Allen Wilkes terminait ses études de philosophie et théologie au Wellesley College, l’une des institutions d’enseignement supérieur les plus prestigieuses au monde. Son aspiration première la portait vers le droit ; elle voulait devenir avocate ; une vocation rapidement contrariée par les préjugés de son époque. Les femmes, lui dit-on, n’ont pas leur place dans les tribunaux.
Cette résistance sociale aurait pu briser ses ambitions, mais une phrase quasiment prophétique, prononcée des années plus tôt par son professeur de géographie, pris alors tout son sens : « Mary Allen, quand tu seras grande, tu devrais devenir programmeuse informatique ». Elle n’était alors qu’en quatrième et ces paroles résonnèrent comme une invitation à explorer de nouveaux horizons. Dans un contexte où les femmes peinaient à trouver leur place dans les professions juridiques traditionnelles, l’informatique naissante offre paradoxalement des opportunités plus accessibles.
C’est ainsi qu’elle franchit les portes du Massachusetts Institute of Technology (MIT), rejoignant les équipes du Laboratoire Lincoln. Dans les années 1959-1960, ce centre de recherche incarnait le haut lieu de l’informatique naissante. Elle y découvra un univers dominé par les imposants IBM 704 et 709, véritables cathédrales électroniques occupant des salles entières. Ces machines, dotées d’une mémoire à tores de ferrite et d’un processeur à tubes à vide, représentaient la fine pointe de la technologie de l’époque.
Sous la direction d’Oliver Selfridge, pionnier de l’intelligence artificielle, et de Benjamin Gold, expert en traitement du signal, Wilkes plongea dans un projet avant-gardiste de reconnaissance vocale. Cette initiative visait à décoder les motifs acoustiques de la parole humaine en les transformant en données numériques analysables.
Une entreprise qui nécessita de programmer ces machines colossales dans leur langage natif, l’assembleur, une tâche exigeant rigueur et créativité. Cette expérience fondatrice posa les jalons de technologies devenues aujourd’hui omniprésentes : les assistants vocaux et la retranscription automatique.
En 1961, sa carrière décolla lorsqu’elle intégra l’équipe de Wesley A. Clark, concepteur des ordinateurs TX-0 ; utilisé pour développer des logiciels de traitement de texte et des systèmes d’exploitation ; et TX-2, qui a permis de développer des premiers logiciels de dessin assisté par ordinateur.
200% Deposit Bonus up to €3,000 180% First Deposit Bonus up to $20,000Le projet LINC (Laboratory INstrument Computer) émergea d’une vision audacieuse : concevoir un ordinateur personnel avant l’heure, assez compact pour tenir sur un bureau et suffisamment accessible pour être manipulé par des chercheurs en sciences biomédicales. Rappelons qu’à l’époque, les ordinateurs pesaient plusieurs tonnes.
L’ordinateur LINC, exposé au Computer History Museum à Mountain View, en Caifornie. © Don DeBold / Wikipédia
La contribution de Wilkes au développement du LINC fut fondamentale. Elle commença par simuler le comportement de la future machine sur le TX-2, un travail d’orfèvre qui lui a permis d’affiner l’architecture du système avant même sa construction physique. Elle conçut ensuite l’interface entière de la console prototype, cherchant le juste équilibre entre puissance technique et simplicité d’utilisation.
Le projet pris une nouvelle dimension lorsqu’il migra vers le Centre des Technologies Informatiques pour les Sciences Biomédicales du MIT. Wilkes y assuma un rôle central dans la formation des premiers utilisateurs du LINC, dans le cadre d’un programme pionnier financé par les Instituts nationaux de la santé.
Elle développa alors les premiers programmes d’assemblage LINC (LAP), créant un environnement de programmation qui permettait aux chercheurs de piloter leurs expériences et d’analyser leurs données sans aucune expertise informatique. En partenariat avec Wesley A., elle rédigea également le manuel de programmation du LINC. Celui-ci constituait une véritable Bible pour les utilisateurs de la machine et a assuré la pérennité du projet en permettant aux chercheurs de continuer d’utiliser et à développer le LINC, ce, même après le départ de Wilkes.
Alors que l’équipe principale du projet LINC s’installait à l’Université Washington de Saint-Louis pour fonder le Laboratoire des Systèmes Informatiques, Wilkes pris une décision pour le moins surprenante. Elle choisit de poursuivre ses travaux depuis la demeure familiale à Baltimore, transformant ainsi un espace domestique en laboratoire d’innovation technologique. Sans le savoir, elle a fait naître le télétravail, bien avant que le concept soit popularisé.
Dans le sous-sol de cette maison de Baltimore, Wilkes installa un ordinateur LINC – une configuration qui paraît aujourd’hui bien modeste avec sa mémoire de 2048 mots de 12 bits, mais qui représentait alors une puissance de calcul considérable pour un usage personnel.
Mary Allen Wikes chez elle, avec le LINC en arrière-plan. © Rex B. Wilkes / Wikipédia
Dans cet environnement inhabituel, elle développa LAP6, un système d’exploitation très en avance sur son temps. Wilkes y intégra une technique révolutionnaire de défilement de texte, établie sur un algorithme proposé par ses collègues Mishell J. Stucki et Severo M. Ornstein. Cette innovation permet pour la première fois une manipulation fluide et intuitive des documents numériques, bien avant l’ère des interfaces graphiques.
Le système offrait des fonctionnalités jusqu’alors inédites : édition en temps réel, manipulation interactive des programmes, et surtout, la possibilité de basculer instantanément entre l’écriture du code et son exécution – une caractéristique qui deviendra la norme des environnements de développement modernes.
Avec le LAP6, les utilisateurs pouvaient pour la première fois échanger leurs programmes via des bandes magnétiques LINC, créant ainsi une première forme de bibliothèque logicielle partagée. Tout cela, sans avoir besoin d’être connectés à un quelconque réseau.
En 1975, bouclant la boucle de son parcours atypique, Wilkes devient finalement avocate. Toujours vivante et âgée aujourd’hui de 87 ans, son héritage perdure : le Musée National de l’Informatique britannique l’honora dans son exposition « Heroines of Computing » en 2013, tandis que le Forum des Musées Heinz Nixdorf en Allemagne célèbre sa contribution dans « Am Anfang war Ada: Frauen in der Computergeschichte ».
C’est donc, en partie, grâce au travail acharné de Wilkes que cet article a été écrit et qu’il est aujourd’hui possible de disposer d’ordinateurs compacts et puissants. Comme quoi, la reconversion professionnelle d’une seule personne, même inattendue, peut parfois changer le cours de l’Histoire.
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