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"On a passé notre temps à regarder les gens, à s’en moquer, de nous aussi !" : la folle histoire du Splendid racontée par Gérard Jugnot

Midi Libre donne la parole cette semaine aux acteurs de l’emblématique troupe qui célèbre ses 50 ans avec le livre "Le Splendid par le Splendid, nous nous sommes tant marrés" (Le Cherche Midi), vendu au profit de la Fondation pour la recherche médicale (FRM). Entretien aujourd’hui avec Gérard Jugnot.

Vous avez retrouvé de nombreux documents inédits pour ce livre retraçant l’histoire du Splendid, comment avez-vous vécu ce retour en arrière ?

C’est 50 ans de nos vie… C’est marrant de voir ressurgir des souvenirs, des photos que je ne connaissais pas, ou que j’avais oubliés. ça ne nous rajeunit pas ! Ça m’intéressait parce que j’avais déjà écrit une partie de cette histoire dans un livre, Une époque formidable (Grasset), je racontais mon ressenti sur cette époque.

Thierry a eu l’idée de ce nouveau livre parce qu’il voulait en faire une belle opération pour la Fondation pour la recherche médicale.

C’était une manière de refaire queque chose ensemble parce qu’on n’a plus le temps de se réunir et je suis très fier du bouquin, il est très joyeux, très copieux et je crois que ça marche très fort.

Et le fait que tout le monde puisse donner ainsi son point de vue – qui n’est jamais le même –, c’était intéressant. D’autant qu’on n’avait pas lu ce qu’avaient écrit les autres. C’est ça qui était assez émouvant, voir ce que les gens pensaient les uns des autres, ce qu’on ne s’était peut-être pas toujours dit.

C’est assez troublant et ça prend encore plus de force et d’émotion avec la disparition de Michel qui nous a foutu un gros coup. Il est parti la veille du bon à tirer du ivre. C’est la dernière chose qu’il a écrite.

Avez-vous été surpris par l’ampleur de l’émotion suscitée par sa disparition à travers le pays ?

C’était dingue de voir à quel point les gens nous avaient adoptés, cétait très fort, on a vécu des choses magnifiques grâce à ce public qui ne nous a jamais quitté.

Vous n’aviez pas de nouveau projet ensemble, avant la disparition de Michel Blanc ?

Il y avait un truc qui trainait, c’était avec des acteurs du Splendid mais ce n’était pas écrit par le Splendid. Tout ça est un peu mis entre parenthèses vu les circonstances.

Mais je crois que Michel n’aurait jamais voulu refaire un film, c’est le premiers qui a “souffert” à la fois du côté protecteur et un peu étouffant du groupe, donc il n’a pas écrit le deuxième Bronzés, il n’a pas écrit Le Père Noël, il n’est pas dedans.

Il avait une place un peu à part dès le départ.

Oui et on a tous des places à part, c’est un collectif d’individualistes. C’est ça qui me rend très fier, c’est qu’on a dit “nous” pendant quinze ans et ensuite chacun a dit “je” avec succès, c’est assez rare. C’est un groupe où il n’y a jamais eu de chef et où chacun chacun a mené sa barque et continue à la mener.

Qu’est-ce qui vous réunit ?

Je crois que c’est le sous-titre du bouquin : “Nous nous sommes tant marrés”. On s’est connus au lycée, on a ri comme des cons, on a beaucoup chahuté, mais on était très sérieux dans nos chahuts et dans notre dérision…

"On a passé notre temps à regarder les gens, à s’en moquer, de nous aussi !" : la folle histoire du Splendid racontée par Gérard Jugnot

Michel Blanc, Thierry Lhermitte; Marie-Anne Chazel et Gérard Jugnot. Collection personnelle

Je pense que c’est la dérision, le dénominateur commun, un certain rire. Il fallait que ça fasse rire tout le monde. C’est pour ça que les films étaient assez touffus, parce que quand on écrivait, on balançait plein d’idées et tant qu’elles n’étaient pas adoptées à l’unanimité, on les rejetait.

Beaucoup de choses ont été jetées. C’est pour ça que chacun de nous a fait des films séparément. La grande blague, quand ça ne nous faisait pas marrer, c’était de dire “tu le garderas pour ton film, pour ta prochaine pièce”. J’ai même fait des films qui étaient la suite de nos écrits. Quand j’ai fait Casque bleu, c’était une version du club comico-dramatique.

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"On a passé notre temps à regarder les gens, à s’en moquer, de nous aussi !" : la folle histoire du Splendid racontée par Gérard Jugnot

“Enfin seul !”, mais sans jamais rester très loin de la troupe du Splendid. Collection personnelle

Papy fait de la résistance et Monsieur Batignole, c’était une autre manière aussi d’aborder un même sujet. On peut même penser qu’Une époque formidable louche du côté de Félix.

Globalement, il y avait très peu de place pour l’émotion dans nos spectacles et dans nos films, c’était aussi le problème du groupe, à part peut-être un petit peu dans Le Père Noël avec Clavier, un petit truc dans Les Bronzés. Ce qui est normal, quand on était ensemble, il y avait pas un point de vue, c’était un point de vue à six.

On a donc fait nos films plus personnels ensuite avec nos sensibilités, notre manière de raconter la vie.

Mais vous avez toujours collectivement un sens de l’observation aiguë de vos contemporains…

On a passé notre temps à regarder les gens, à s’en moquer, de nous aussi, de nos parents. Chacun avait son rôle. C’est ça qui a fait qu’on avait du succès, c’est qu’on ne marchait pas sur les plates-bandes de l’autre.

Michel avait un sens du dialogue formidable, moi, je m’occupais plus des choses visuelles et des gags visuels. Christian était plus insistant sur les caractères, Thierry aussi sur une certaine férocité. Josiane était toujours un peu à la traîne, mais elle avait des fulgurances qui étaient importantes. Marie-Anne défendait son bout de gras. Chacun essayait de tirer le drap pour que tout le monde soit bien servi.

C’est ce qui a donné lieu à ces personnages cultes, notamment dans Le Père Noël, pourtant, au départ, les rôles n’étaient pas répartis de cette façon-là.

Oui, ils voulaient absolument que je fasse le travesti Katia, ça les faisait marrer.

"On a passé notre temps à regarder les gens, à s’en moquer, de nous aussi !" : la folle histoire du Splendid racontée par Gérard Jugnot

Gérard Jugnot et Christian Clavier dans “Le Père Noël est une ordure”. Collection personnelle

Moi je ne voulais pas raser ma moustache et ça me faisait chier de me maquiller tous les jours. Christian l’a interprété divinement, donc il n’y a pas de regrets.

Ces répliques cultes appartiennent aujourd’hui au langage courant…

On est très heureux de ça, très fiers. Mais bon, on s’est pas mis autour de la table pour écrire un film culte, on a trouvé un truc qui nous faisait marrer et il s’est trouvé qu’on a touché juste et que les gens s’en sont emparés, c’est une grande chance.

Ce lien profond et durable que vous avez noué avec les Français, de génération en génération, comment l’analysez-vous ?

Je ne l’explique pas, je le constate. Comme disait Jouvet, “le succès justifie tout, mais n’explique rien”. Peut-être qu’il y avait un peu de talent, un peu de travail et on a eu la chance d’être en accord avec le monde dans lequel on vit. Après, c’est vrai que c’est une chance de voir que ces films-là ne se démodent pas.

Comme les films qu’on a fait séparément, je suis très fier que Scout toujours, Pinot simple flic, soient multidiffusés comme Les Choristes, ou Monsieur Batignole, ou que Les Visiteurs, Grosse fatigue, Marche à l’ombre ou Gazon maudit.

C’est une petite fierté de savoir que beaucoup de films encensés à la même époque sont tombés dans les oubliettes, alors que nous, on était pris un peu de haut.

Avez-vous de nouveaux projets ensemble ?

Je ne sais pas du tout, mais on est très ouvert. J’espère faire un film où il y aura sans doute Thierry.

Je suis content aussi de ce que je fais avec les jeunes générations, je tourne aussi en ce moment avec Christophe Barratier Les Enfants de la Résistance, j’ai retrouvé aussi Nicolas Benamou pour On aurait dû aller en Grèce (Gérard Jugnot était aussi à l’affiche dernièrement de Neuilly-Poissy, de Grégory Boutboul).

Vous continuez à vous voir ?

On a passé notre jeunesse ensemble, désormais chacun a sa vie, chacun son chemin, mais on ne se perd pas de vue, on va se voir les uns les autres, au théâtre, dans les films.

Michel je ne l’avais pas vu depuis longtemps. On s’est retrouvés malheureusement dans des circonstances qu’on aurait bien aimé éviter.

Avec cette couronne de fleurs en forme de dernier clin d’oeil à Michel Blanc le jour de ses obsèques…

On a fait une très belle gerbe de la part “Des collègues de la Française d’intensité”, c’est une espèce de société à la con qu’on avait créé dans notre premier théâtre, mais ils ne l’ont pas mise à l’Eglise, elle restée sur le parvis.

Ils pensaient qu’ils s’étaient trompés d’Eglise (rires), cela nous a fait rire dans notre tristesse.

Le livre “Le Splendid par le Splendid, nous nous sommes tant marrés” (Le Cherche Midi, avec Jean-Pierre Lavoignat, 256 pages, 26,50 €) est vendu actuellement au profit de la Fondation pour la recherche médicale (FRM). Je m’abonne pour lire la suite

Teilor Stone

By Teilor Stone

Teilor Stone has been a reporter on the news desk since 2013. Before that she wrote about young adolescence and family dynamics for Styles and was the legal affairs correspondent for the Metro desk. Before joining Thesaxon , Teilor Stone worked as a staff writer at the Village Voice and a freelancer for Newsday, The Wall Street Journal, GQ and Mirabella. To get in touch, contact me through my teilor@nizhtimes.com 1-800-268-7116