Chaque nuit, notre cerveau tisse des récits dont nous perdons souvent la trace au réveil. Que nous arrive-t-il ?
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© lejdon gjoni / Pexels 𝕏
Même en pleine nuit, lorsque vous êtes plongés au plus profond de votre sommeil, votre organe cérébral maintient tout de même une activité, même minime. Il compose des histoires, dessine des visages, invente des situations – parfois loufoques, parfois inquiétantes, souvent étranges. Pourtant, au réveil, ces créations nocturnes s’estompent fréquemment dans les brumes de l’oubli et vos rêves se troublent à mesure que vous vous réveillez.
Cette apparente contradiction entre la richesse de notre vie onirique et notre difficulté à nous en souvenir est le résultat d’une amnésie sélective, et non d’un quelconque dysfonctionnement cérébral. Explications.
Le paradoxe du rêveur amnésique
Les travaux d’Erin Wamsley, professeure associée en psychologie et neurosciences à l’Université Furman (Greenville, Caroline du Sud), démontrent que pratiquement tous les individus rêvent régulièrement, même ceux qui affirment le contraire. Lorsque les chercheurs interrompent le sommeil des participants pendant les phases d’activité cérébrale intense, ces derniers décrivent systématiquement des fragments de pensées, des bribes d’histoires, des images mentales qui peuplaient leur esprit quelques secondes auparavant. Des observations répétées, qui attestent bien de l’aspect universel que revêt l’expérience onirique.
Seules des atteintes neurologiques précises peuvent altérer cette capacité à rêver. Les rares patients présentant des lésions dans certaines régions cérébrales perdent cette faculté, ce qui entraîne des bouleversements profonds de leurs fonctions cognitives.
Les rêves peuvent être vus de plusieurs manières. D’un point de vue personnel, on peut les voir comme des divagations nocturnes, mais depuis la perspective des neurosciences, ils participent activement à l’équilibre de notre cerveau. Ceux-ci peuvent nous aider à traiter et à intégrer des émotions difficiles ou des expériences traumatisantes et nous procurent un espace sûr pour revivre ces expériences et les analyser symboliquement. Ils consolident également la mémoire, en aidant le cerveau à faire le tri dans la manne d’informations qu’il a reçues pendant la journée.
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Comment les neurotransmetteurs influencent nos rêves
La mémoire des rêves obéit à des mécanismes neurologiques précis, expliquant leur nature éphémère. Les études en laboratoire menées par Wamsley ont mis en évidence un phénomène particulier : la conservation des souvenirs oniriques dépend étroitement du moment du réveil. Sans une période d’éveil coïncidant avec la fin d’un rêve, suivie d’un temps de réflexion consciente, ces expériences nocturnes disparaissent rapidement de notre mémoire.
200% Deposit Bonus up to €3,000 180% First Deposit Bonus up to $20,000Imaginez que vous faites un rêve particulièrement vif et mémorable et au moment de vous réveiller, vous avez encore une sensation très nette de celui-ci. Vous vous dites que vous allez absolument le noter dans un carnet dès que vous aurez ouvert les yeux. Seulement, le train-train quotidien vous rattrape ; votre réveil sonne et vous devez rapidement vous lever pour préparer votre journée. Vous êtes pris dans le tourbillon du matin : douche, petit-déjeuner, préparation des affaires, etc. Votre esprit se détache progressivement de l’empreinte du rêve et reste occupé par des tâches et des préoccupations diverses.
Plusieurs heures plus tard, alors que vous êtes au travail ou en cours, soudainement, votre rêve vous revient en mémoire. Vous essayez de vous souvenir de ses détails, mais les images sont bien plus floues qu’au réveil. Vous ne vous pouvez vous rappeler que très vaguement de quelques fragments, mais l’histoire globale s’est évanouie.
Cette particularité s’explique par l’activité spécifique des neurotransmetteurs (les messagers chimiques qui permettent aux neurones de communiquer entre eux) durant le sommeil. Le cerveau endormi fonctionne selon une neurochimie distincte de l’état d’éveil, ce qui influence directement notre capacité à former et maintenir des souvenirs. Les micro-réveils nocturnes, ces brèves interruptions naturelles du sommeil pendant lesquelles nous changeons de position, jouent un rôle dans ce processus : ils créent des opportunités de mémorisation des contenus oniriques.
Toutefois, une occurrence trop élevée de ces interruptions perturbe les cycles du sommeil, compromettant sa qualité réparatrice. Le cerveau doit de ce fait maintenir un équilibre optimal entre la continuité du sommeil et la possibilité de préserver certains souvenirs de nos rêves.
Le rôle des cycles du sommeil
Le sommeil se déroule en quatre phases différentes : le sommeil paradoxal (REM) et trois phases de sommeil non-paradoxal (NREM). La première phase NREM, éphémère, cède la place à la deuxième, caractérisée par un ralentissement des ondes cérébrales entrecoupé de brèves salves électriques. Cette étape occupe près de la moitié du temps de sommeil chez l’adulte. La troisième phase, dite sommeil profond, se manifeste en début de nuit et représente environ un quart de notre repos. Enfin, le sommeil paradoxal, marqué par une activité cérébrale proche de l’éveil, occupe le dernier quart de notre nuit.
Si les rêves les plus vivaces surviennent généralement pendant le sommeil paradoxal, avec 80 % de chances de mémorisation au réveil contre 50 % pour les autres phases, la capacité à rêver n’est pas limitée à cette seule période. Les rêves matinaux s’avèrent particulièrement mémorables, notre cerveau devenant naturellement plus actif à l’approche du réveil.
Une très grande majorité d’entre nous utilise un objet très commun pour se réveiller : un réveil, ou alors une alarme directement sur le smartphone. Eh bien ces outils sont de vrais ennemis de cette mémorisation. Selon Jing Zhang, chercheuse en neurosciences cognitives à l’hôpital général du Massachusetts et à la Harvard Medical School, le réveil brutal provoqué par une alarme augmente les niveaux de cortisol (hormone du stress). Une interruption qui détourne immédiatement l’attention vers les obligations quotidiennes, au détriment des souvenirs oniriques.
Oublier ses rêves n’a donc rien d’anormal, au contraire et ils ne sont pas tous faits pour être mémorisés. Là aussi, le cerveau trie et hiérarchise, comme il le fait avec nos souvenirs de la journée, et détermine ce qui est pertinent de retenir pour vous ou non. Tenir un journal récapitulant vos rêves est un excellent moyen de les capturer, sans pour autant s’inquiéter de la cohérence ou de la logique du récit. L’important ici est de conserver l’essence du récit, et non nécessairement les détails.
- Même si nous rêvons chaque nuit, notre cerveau efface rapidement ces souvenirs à moins d’un réveil au bon moment
- L’activité des neurotransmetteurs pendant le sommeil rend les rêves difficiles à mémoriser, sauf en cas d’interruptions naturelles.
- Un réveil brutal détourne instantanément l’attention, empêchant souvent de conserver la trace de nos songes.
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