Nos ancêtres semblaient plus branchés salade que steak.
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© Markus Spiske / Pexels 𝕏
« La viande a permis à l’espèce humaine de se développer », « les apports en fer et en vitamine B12 ont été essentiels au développement du cerveau » : ces phrases, vous les avez déjà certainement entendues. Elles ne sont pas entièrement fausses, mais pas totalement vraies non plus, d’autres facteurs rentrent dans l’équation.
Une étude publiée le 16 janvier dans la revue Science vient de nous apporter des données très intéressantes qui viennent confirmer davantage cette théorie. Des fossiles d’Australopithèques (ancêtres potentiels des humains modernes ayant vécu il y a environ 4 à 2 millions d’années) trouvés dans les grottes de Sterkfontein, en Afrique du Sud, ont livré de précieuses informations sur leur mode d’alimentation. Comment ? Grâce à des traces microscopiques préservées sur leur émail dentaire.
Les premiers repas de l’humanité
Pour parvenir à percer les secrets du régime alimentaire de nos plus lointains ancêtres, les chercheurs des laboratoires du Max Planck Institute for Chemistry et de l’Université du Witwatersrand ont mis au point une technique spécifique. Celle-ci se base sur les isotopes d’azote, ces variations d’un même élément qui s’accumulent différemment selon le régime alimentaire.
Ils ont ainsi analysé le ratio entre deux formes d’azote : le 15N et le 14N, qui agissent comme des traceurs moléculaires. Plus un animal consomme de la viande, plus la proportion de 15N augmente dans ses tissus, laissant une empreinte chimique indélébile de ses habitudes alimentaires. En analysant le rapport entre les isotopes 15N et 14N dans l’émail dentaire fossile, les scientifiques peuvent donc déterminer la position de l’individu dans la chaîne alimentaire.
Jusqu’alors, les paléontologues devaient se contenter d’analyser le collagène des os ou la dentine, des tissus qui se dégradent au fil des millénaires. Il était impossible de remonter au-delà de 300 000 ans en raison de cette dégradation, ce qui formait un véritable voile complètement opaque, qui brouillait l’analyse des régimes alimentaires anciens. L’émail dentaire étant tissu le plus résistant du corps des mammifères, il préserve ces signatures isotopiques comme un message codé traversant les âges et grâce à lui, il est possible de retracer des millions d’années d’évolution alimentaire.
Les Australopithèques : pas vraiment des viandards
Pour décoder ce qu’avaient à nous raconter les sept fossiles retrouvés, les scientifiques ont organisé une vaste étude comparative, mettant en scène tout un bestiaire préhistorique. Singes, antilopes ou autres prédateurs comme les hyènes, les chacals et les grands félins. Chaque espèce était l’équivalent d’un maillon différent de la chaîne alimentaire d’il y a trois millions d’années.
200% Deposit Bonus up to €3,000 180% First Deposit Bonus up to $20,000Il se trouve que les signatures isotopiques inscrites dans l’émail dentaire des Australopithèques prouvent que ceux-ci mangeaient principalement des aliments issus de sources végétales. Leurs dents portent l’empreinte chimique d’un régime où dominaient les plantes, avec seulement quelques rares épisodes de consommation de viande. Les traces retrouvées les rapprochent donc bien plus de paisibles herbivores que des prédateurs de leur époque.
Alors que la communauté scientifique avait longtemps vu dans la consommation de viande le moteur principal du développement cérébral humain, la réalité s’avère bien plus nuancée. Cela signifie également que les comportements observés chez les Australopithèques – leur capacité à utiliser des outils rudimentaires, leur vie sociale complexe – ne trouvent pas uniquement leur origine dans un régime carné.
La grande histoire de l’évolution humaine réécrite
Pour le Dr Dominic Stratford, directeur de cette recherche, la conclusion est claire : « Cette étude démontre sans équivoque que les Australopithèques d’Afrique du Sud ne consommait pas de quantités notables de viande il y a trois millions d’années. Elle constitue une avancée majeure dans notre capacité à analyser les régimes alimentaires et la position des espèces dans la chaîne alimentaire sur une échelle de plusieurs millions d’années ».
Notre histoire évolutive s’enrichit donc d’un nouveau chapitre. Si nos lointains ancêtres sud-africains privilégiaient les végétaux, l’adoption régulière d’un régime carné serait survenue plus tard dans notre histoire évolutive, ou dans une autre région géographique.
C’est pourquoi nous devons considérer aujourd’hui ; encore plus à la lumière de cette étude ; que le développement des capacités cognitives humaines comme le résultat d’interactions multiples. D’autres éléments ont probablement contribué ensemble à l’augmentation progressive de la taille du cerveau observée chez les hominidés plus récents. Facteurs sociaux (vie en groupe, transmission culturelle), génétiques (mutations, sélection naturelle) ou liés au mode de vie (fabrication d’outils, maîtrise du feu).
L’adoption de la viande par nos ancêtres a été progressive et fut une réponse évolutive aux bouleversements climatiques survenus il y a environ 2,5 millions d’années en Afrique. Alors que les forêts luxuriantes cédaient progressivement la place aux savanes arides, les premiers représentants du genre Homo (1 à 1,5 million d’années après les Australopithèques) ont eu besoin de diversifier leur alimentation face à la raréfaction des ressources végétales.
Les outils en pierre taillée, apparus vers 2,6 millions d’années, ont permis d’abord le charognage puis, plus tard, la chasse, ce qui leur a permis d’accéder à des ressources carnées plus aisément. Cette transition alimentaire a déclenché une série d’adaptations physiologiques : modifications anatomiques avec la réduction des mâchoires et des dents, évolution de l’appareil digestif, mais aussi des transformations sociales profondes où le partage de la viande a catalysé de nouveaux comportements coopératifs. Toutefois, cette étude nous montre que ce nouveau mode d’alimentation n’a pas été le seul facteur déterminant de cette progression, même s’il a sans doute joué un rôle important dans l’évolution des Australopithèques vers les Homo sapiens.
- Une analyse de l’émail dentaire des Australopithèques a révélé qu’ils avaient un régime essentiellement végétal, avec très peu de consommation de viande.
- Contrairement aux idées reçues, la viande n’a pas été le seul moteur du développement du cerveau humain, d’autres facteurs comme la vie en groupe et l’usage d’outils ont aussi joué un rôle clé.
- L’introduction progressive de la viande dans l’alimentation des premiers Homo a été une adaptation nécessaire, mais cette étude vient remettre en question son rôle central dans l’évolution cognitive.
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