Investir parce que « tout le monde le fait » : la finance version 2024.
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© Worldspectrum / Pexels 𝕏
Et si les réseaux sociaux avaient un impact sur les comportements d’investissement, surtout concernant les cryptomonnaies ? C’est ce que pointe du doigt une nouvelle étude de l’Université de Géorgie, publiée au mois de novembre dans l’International Journal of Bank Marketing. Même si le lien ne paraît pas évident au premier abord, les chercheurs Kyoung Tae Kim et Lu Fan se sont penchés sur la question. Les résultats apparaissent, finalement, assez logiques.
La mécanique virale de l’adoption des cryptomonnaies
L’enquête a révélé que la moitié des personnes utilisant les réseaux sociaux ont franchi le pas de l’investissement en cryptomonnaies, un chiffre qui contraste fortement avec les 10 % observés chez les non-utilisateurs. En d’autres termes, les utilisateurs de réseaux sociaux sont cinq fois plus susceptibles d’investir dans les cryptomonnaies que ceux qui n’en utilisent pas. D’où peut donc provenir cette si forte disparité ?
Elle trouve son origine dans les spécificités mêmes des plateformes numériques. YouTube et Reddit émergent comme les principaux catalyseurs de cette tendance, leurs formats propices aux discussions permettant une exploration détaillée des enjeux liés au monde de la crypto. Reddit, particulièrement, foisonne de subreddits (groupes thématiques de discussions) dédiés aux cryptos et YouTube regorge de vidéos de conseils/tutoriels de crypto-enthousiastes étalant leur savoir en la matière.
La viralité du phénomène s’explique notamment par un effet d’entraînement social particulièrement puissant. Comme le souligne Lu Fan : « Les gens observent que leurs amis, leur famille et les célébrités qu’ils admirent investissent dans ces actifs, ce qui les incite à suivre le mouvement ». Cette dynamique d’imitation sociale, amplifiée par les algorithmes des plateformes, crée ainsi un cercle auto-alimenté d’adoption croissante. Les cryptomonnaies sont souvent perçues comme un sujet complexe, voire ésotérique. L’avis d’un proche, d’une célébrité ou d’un influenceur peut alors servir de repère rassurant et faciliter la prise de décision.
Le paradoxe sociologique de l’investissement digital
L’analyse démographique des investisseurs est, elle aussi, assez intéressante à mettre en valeur dans le sens où elle se révèle assez paradoxale. Le profil type qui émerge de l’étude est celui d’un homme jeune, caractérisé par une propension marquée à embrasser le risque financier. Cette disposition s’accompagne fréquemment d’une confiance accrue dans les nouvelles technologies et d’une présence active sur les plateformes d’échange d’information.
200% Deposit Bonus up to €3,000 180% First Deposit Bonus up to $20,000La découverte la plus étrange des chercheurs réside dans la relation inverse entre le niveau d’études et l’engagement dans les cryptomonnaies. Cette corrélation négative suggère que les mécanismes traditionnels de l’éducation financière ne jouent plus leur rôle habituel de garde-fou.
Au contraire, les personnes dotées d’un bagage académique plus modeste manifestent un attrait plus prononcé pour ces nouveaux actifs, phénomène que les chercheurs attribuent à une combinaison de facteurs : une moindre aversion aux risques non conventionnels, une réceptivité accrue aux promesses de démocratisation financière, et paradoxalement, une approche moins analytique des mécanismes sous-jacents aux cryptomonnaies.
Une configuration sociologique inédite qui bouscule les schémas classiques de l’investissement, où l’éducation supérieure constituait traditionnellement un vecteur d’engagement dans les marchés financiers. Une nouvelle culture financière est en plein développement, modelée davantage par les flux d’information des réseaux sociaux que par les cursus académiques conventionnels.
L’évolution temporelle est tout aussi révélatrice : entre 2018 et 2021, le pourcentage d’investisseurs a presque doublé, passant de 15 % à 28 %. Plus frappant encore, la proportion de personnes envisageant un investissement est passée de moins de 20 % à plus d’un tiers de la population étudiée.
Les défis systémiques d’une finance digitalisée
Plusieurs zones de vulnérabilités ont été identifiées dans cette étude. Premièrement, la prédominance des jeunes investisseurs dans l’univers des cryptomonnaies : elle est aussi le synonyme d’une asymétrie entre l’accessibilité technique des plateformes d’échange et la maturité financière nécessaire pour naviguer ces marchés, extrêmement volatils par nature (l’exemple récent de l’explosion du BTC est très parlant). L’instantanéité des réseaux sociaux accélère les cycles de décision, réduisant souvent le temps consacré à l’analyse des risques.
Second phénomène qui a retenu l’attention des chercheurs : la prolifération de contenus informationnels toxiques sur les réseaux sociaux. Aucun sujet n’échappe à la désinformation, les cryptos n’échappent pas à la règle. Dans cet environnement, les frontières entre expertise légitime et manipulation délibérée s’estompent dangereusement. Les arnaques se parent désormais des attributs de la crédibilité numérique – followers nombreux, contenu professionnel, témoignages apparemment authentiques – rendant leur détection particulièrement ardue pour les investisseurs néophytes.
L’histoire de la finance moderne sera certainement marquée à jamais par cette démocratisation des investissements cryptos lié à l’usage des réseaux sociaux. Si l’on considère de plus que l’avenir de ces actifs virtuels s’écrira probablement ; en partie au moins ; sur ces derniers, il nous faudra appuyer sur deux leviers. Tout d’abord, développer une culture financière solide et ensuite, promouvoir une diffusion d’informations qualitatives pour permettre aux investisseurs de prendre des décisions éclairées.
- Les utilisateurs de réseaux sociaux adoptent les cryptomonnaies bien plus rapidement grâce à l’effet viral et aux recommandations d’influenceurs et de proches.
- Les jeunes hommes, souvent moins éduqués financièrement, sont les principaux investisseurs, attirés par le risque et les promesses de démocratisation financière.
- L’accès facile masque en revanche des dangers : désinformation et absence de préparation face à la volatilité des marchés.
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